Surprise: 60% de la viande rouge consommée dans le monde est caprine. Épargnée par les interdits religieux, la chèvre est couramment élevée et consommée partout... sauf chez nous. Au Québec, la part de la chèvre s'élève à 0,08% du volume des ventes de viande dans la grande distribution, en 2010.

Cela semble peu, mais la croissance est importante: les ventes de viande caprine ont bondi de 113% en cinq ans, en matière de volume. Plusieurs tendances en alimentation font que cet engouement pour la chèvre va se poursuivre, selon une étude d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Originale, exotique, santé et prisée par plusieurs communautés culturelles, la chèvre a de bons (ou mauvais, selon le point de vue) jours devant elle.

Actuellement, «ce sont principalement les populations des minorités ethniques qui apprécient la viande caprine», lit-on dans la Monographie de l'industrie caprine au Québec, produite par le ministère de l'Agriculture (MAPAQ). Exemple: Dave Bérubé, des Élevages Caberoy de Disraeli, vend plusieurs chevreaux entiers à des Sherbrookois originaires du... Bhoutan.

Mais au marché Jean-Talon, à Montréal, des Québécois dits de souche craquent aussi pour le chevreau. «Personnellement, pour les mijotés, les carrés, les côtelettes, j'aime mieux le chevreau que l'agneau, fait valoir Michel Blais, propriétaire de la boucherie Prince Noir. Le chevreau a plus de goût.»

Côtelettes au barbecue

Au barbecue, on peut simplement faire griller les côtelettes de cabri (l'autre nom du chevreau) trois minutes par côté. Au four, il vaut mieux cuire le chevreau - une viande très maigre - lentement, à une température maximale de 300 degrés Fahrenheit.

Une dizaine de coupes sont offertes, à prix corsé. Le gigot peut se vendre 28$ le kilo, le carré, 68$ et les épaules, 22$. «Quand les gens savent que c'est de la viande bien élevée, sans hormones, sans antibiotiques, le prix n'est pas un frein à la consommation», assure M. Blais.

Du chevreau, il y en a parfois au menu de La Salle à manger, restaurant couru de l'avenue du Mont-Royal, à Montréal. L'équipe du chef Samuel Pinard cuisine de la tête aux gigots des chevreaux élevés à la ferme Benchris de Sainte-Angèle-de-Monnoir, en Montérégie. «J'essaie d'avoir des produits qui parcourent la moindre distance possible», explique le chef.

Étonnamment, ses chevreaux sont de races laitières. «Ils sont aussi tendres que les chevreaux de boucherie, parce que la tendreté est une question d'alimentation», assure Bernard Petit, de la ferme Benchris. Son secret? Il les nourrit notamment avec de la drêche de microbrasserie, soit le résidu de l'orge qui a servi à fabriquer la bière!

«C'est bon et ça se vend bien, dit le chef Pinard. Je fais du chevreau pour me faire plaisir, mais ce n'est pas très rentable. Comme ce n'est pas subventionné, on le paie trois fois plus cher qu'un cochon.»

Pourquoi est-ce si cher? «Les producteurs de chèvres n'ont pas droit à l'assurance stabilisation des récoltes (ASRA), explique M. Bérubé, qui est le deuxième vice-président du Syndicat des producteurs de chèvres du Québec. Alors les prix sont vraiment ceux du marché.» D'autant plus que les coûts d'abattage sont importants, par rapport à un rendement en viande limité.

Pas facile à trouver

L'autre problème, c'est l'accès à la viande de chevreau, qui n'est pas facile à trouver. «On travaille à mettre en place une mise en marché collective volontaire, indique M. Bérubé. De gros distributeurs nous approchent, mais on n'est pas organisés. Il faut garantir un approvisionnement régulier, faire plus de désaisonnements [accoupler les chèvres en contre-saison pour avoir des chevreaux à l'année].»

Tuyau: des bouchers peuvent vous commander du chevreau, même s'ils n'en ont pas dans leurs étals. «Plus il va y avoir de demande, plus il va y avoir d'offre», souligne M. Bérubé.