Vous souvenez-vous de Dogme, ce mouvement cinématographique prônant la simplicité et très anti-gros budget et anti-gros effets spéciaux à la Hollywood, lancé en 1995, par un groupe de cinéastes, dont le célèbre Danois Lars Von Trier?

Eh bien, en 2005, il est arrivé quelque chose de semblable, mais dans le monde de la cuisine. Avec comme figures de proue quelques Danois, dont le chef René Redzepi, du restaurant Noma, et Claus Meyer, grand restaurateur de Copenhague, un mouvement appelé «cuisine nordique» a été lancé par un manifeste. Et cette suite de principes explique très clairement de nouvelles règles à suivre pour participer à la construction d'une nouvelle cuisine du Nord très sauvage, très régionale, fière et détachée des influences sud-européennes qui faisaient la pluie et le beau temps en cuisine depuis des décennies.

 

Ce manifeste, qui a été embrassé par le Conseil des ministres nordiques - les pays nordiques comprennent l'Islande, la Norvège, le Danemark, la Suède et la Finlande - est une déclaration d'amour pour les produits et les traditions culinaires du Nord.

Le restaurant le plus connu de cette mouvance est sans nul doute Noma, un deux-étoiles Michelin de Copenhague maintenant considéré par le magazine britannique Restaurant comme le troisième restaurant au monde, après El Bulli en Catalogne et Pierre Gagnaire à Paris.

Chez Noma, tout est à la fois hommage et modernité. Dans l'assiette comme dans le décor majestueux d'un ancien entrepôt au bord de l'eau où de larges poutres de bois, des couvertures de fourrure et des couteaux avec manche en bois de renne font tout en élégance un clin d'oeil à l'imagerie traditionnelle des Vikings. Au menu? On y boit de la bière faite avec de la sève de bouleau, en dégustant des langoustines islandaises ou de la viande de renne accompagnées de baies si scandinaves qu'aucun nom français n'existe pour les définir.

Le chef, René Redzepi, respecte le manifeste. Donc oublions tout ce qui n'est pas nordique. Adieu huile d'olive, vanille, agrumes, chocolat...

Les desserts sont par exemple aux pommes et à la crème fraîche ou aux airelles ou au sureau, tandis qu'en entrée, les salsifis, les betteraves ou l'oseille sauvage retrouvent leurs lettres de noblesse.

À la fin du mois de mai dernier, pour marquer à leur façon la venue de la conférence de l'ONU sur le climat à Copenhague, les gens de Noma ont invité dans leur ville 11 des meilleurs chefs du monde pour réfléchir à l'avenir de la cuisine dans le contexte climatique actuel. Ensemble, lors de cette rencontre appelée «Cuisinons cru!», ils ont conçu et cuisiné un repas de produits frais issus d'agricultures durables, parfois sauvages, souvent crus, dont la préparation nécessitait très peu d'énergie. Selon le quotidien britannique The Independant, ce repas a fait école. Il marque le début d'un nouveau mouvement culinaire, totalement moderne, qui rejette la surutilisation d'outils et d'équipements électriques. Bref, pied de nez à la cuisine moléculaire, le mouvement qui a marqué les 15 dernières années, et bonjour au retour vers le futur de l'essentiel. À suivre.