L'été, c'est du temps libre en plus pour les enfants et les ados. Des heures qu'ils peuvent passer sur les réseaux sociaux, notamment pour rester en contact avec des amis partis à l'extérieur de la ville ou du pays. Comment les guider? Quels outils privilégier?

Jamais avant 13 ans?

Il faut avoir au moins 13 ans pour détenir un compte Facebook. De nombreux préados détiennent néanmoins un compte avant cet âge, souvent - mais pas forcément - avec la permission de leurs parents. Un privilège parfois accompagné d'une clause non négociable: l'enfant doit être «ami» avec papa ou maman. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles les ados et préados migrent vers des réseaux sociaux peu ou pas connus de leurs parents. «Les jeunes ne veulent pas être sur le même réseau social que leurs parents», affirme Thierry Plante, spécialiste en éducation aux médias chez Habilo Médias. Ainsi, ce n'est pas parce qu'un jeune est présent sur Facebook que c'est le coeur de sa vie numérique. En plus de contrôler l'info qu'il rend visible à ses parents, il peut ouvrir plusieurs comptes à leur insu sur Facebook ou d'autres outils de partage de messages, d'images et de vidéos.

Des applications en vogue

«On dirait que les jeunes utilisent Facebook pour communiquer avec la famille et quelques amis, constate Christine Elgersma, de l'organisme californien Common Sense Media. Ils y postent des choses une fois par jour ou un peu moins, alors qu'ils sont beaucoup plus actifs sur Snapchat.» Snapchat? Le nom vous dit peut-être quelque chose. Peut-être pas. C'est l'un des réseaux sociaux numériques les plus populaires actuellement auprès des jeunes. Avec d'autres sites ou applications comme Instagram (qui mise sur le partage de photos), Ask.fm (où les utilisateurs posent des questions), WhatsApp et OooVoo (textos, photos, conversation) ou YouNow (vidéos en direct), par exemple. S'y retrouver est d'autant plus ardu pour les parents que des applications de divertissement comme Musica.ly, un jeu de lipsync, comportent aussi une fonction de réseautage social.

Des secrets mal gardés?

Thierry Plante et Christine Elgersma estiment tous deux qu'il faut prendre avec un grain de sel les prétentions de certaines applications qui promettent que le contenu partagé s'autodétruira (Snapchat, Burn Note, etc.) ou que les utilisateurs pourront demeurer complètement anonymes. «Il faut considérer qu'on perd le contrôle de ce qu'on envoie et qu'une fois que c'est sur l'internet, c'est là en permanence», suggère Thierry Plante, qui rappelle que les données de plusieurs réseaux sociaux ont déjà été piratées (Snapchat et LinkedIn, par exemple). «La culture qui entoure [les applications anonymes] est souvent négative. Pas toujours, mais dans 90 % des cas, c'est une bonne recette pour avoir des problèmes», estime Christine Elgersma en parlant notamment de Whisper.

Réglages et supervision

Qui peut voir quoi? Quand? Où? Il est possible de modifier les réglages de sécurité d'un téléphone ou d'une tablette électronique pour limiter l'accès à des sites ou des applications à l'aide d'un code. Ces outils peuvent être très limitatifs : en cherchant à limiter l'accès à des sites pornographiques sur une tablette qu'on partage avec ses enfants, on se retrouve bientôt à devoir entrer son code pour accéder à un paquet de sites qu'on ne ciblait pas et qu'on juge corrects. Il est surtout conseillé de porter attention aux réglages des applications elles-mêmes et à leurs fonctionnalités. Est-ce qu'elles présentent des publicités? Sont-elles adaptées à l'âge de notre enfant? Faut-il absolument s'enregistrer? L'application est-elle une «cour fermée» ou renvoie-t-elle à d'autres sites extérieurs? Permet-elle d'entrer en contact avec des étrangers et incite-t-elle à le faire? Récolte-t-elle des données personnelles? Diffuse-t-elle l'emplacement de l'utilisateur? Cette fonction peut-elle être désactivée? «Ce ne sont pas seulement des questions de sécurité, mais aussi de comportements éthiques et de confidentialité des données», dit Thierry Plante.

Supervision et... intrusion

«Il peut être difficile de respecter l'intimité et l'indépendance qu'un adolescent veut avoir sans négliger ses obligations légales et morales en tant que parent», concède Thierry Plante. Fouiller dans l'iPod ou le téléphone d'un ado ou d'un préado, de nos jours, c'est l'équivalent de lire son journal intime. L'une des possibilités, selon le spécialiste en éducation aux médias, c'est d'instaurer avec l'enfant «une tirelire à mots de passe», c'est-à-dire une liste des mots de passe utilisés par son enfant, rangée dans un endroit sûr et à laquelle le parent s'engage à ne pas avoir recours, sauf en raison d'une inquiétude sérieuse. Bref, c'est un contrat moral qu'on passe avec son ado ou préado. Et c'est aussi un bon moment pour parler de vie privée et de sécurité en ligne.

La solution magique!

Désolé, il n'y a pas de solutions magiques. Il faut s'intéresser à son enfant, à ce qui l'attire sur les réseaux sociaux et garder le canal de communication ouvert. «Il faut commencer tôt et miser sur l'éducation avant de songer à contrôler le téléphone de son enfant, juge Christine Elgersma. S'il y a un manque de communication ou si l'enfant se sent espionné, ça peut l'inciter à camoufler davantage.» Thierry Plante est d'accord. «Le plus important, c'est de développer la pensée critique et éthique du jeune, dit-il. Savoir faire preuve d'empathie quand on utilise un réseau social, se rappeler qu'il y a une vraie personne à l'autre bout du message avant de l'envoyer, prendre du recul avant d'envoyer quelque chose sur le coup de l'émotion, ça va servir peu importe la technologie.»

Des applis à connaître...

Les jeunes les adorent, les parents les méconnaissent. Petit guide de six applications très populaires auprès des adolescents.

Instagram

Avec Snapchat, Instagram est l'une des trois ou quatre applications sociales les plus utilisées par les jeunes, de nos jours, selon Christine Elgersma et Thierry Plante. Instagram permet de diffuser des images et de courtes vidéos, que les gens peuvent «aimer».

À savoir

Christine Elgersma souligne que plusieurs utilisateurs possèdent deux comptes: un où ils tentent de montrer une image parfaite d'eux-mêmes et un autre plus réaliste, pour rigoler. L'un des moteurs du réseau étant la course aux mentions «j'aime», elle estime qu'il ne faut pas sous-estimer le désir de plaire ou la pression des pairs en ce qui a trait à l'image qu'un utilisateur veut projeter.

Vine

Plateforme de diffusion et de partage de vidéos très courtes, très souvent partagées sur d'autres réseaux sociaux (Facebook, notamment). C'est parfois cute (un bébé qui chante), insupportable (un ado qui chante) ou très drôle (un adulte qui se casse la gueule en Segway). Bref, c'est un gros ramassis de tout et n'importe quoi.

À savoir 

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une bonne partie du contenu est inappropriée pour les enfants et les jeunes ados. Moins de deux minutes d'exploration ont suffi pour trouver du contenu pornographique. Ou une fille soûle en train de vomir, des gens qui fument du pot et font des blagues plus ou moins douteuses.

Tumblr

Tumblr est une espèce de microblogue de scrapbooking. L'utilisateur choisit les thèmes ou les blogues qui l'intéressent et dont les publications viendront garnir sa page. L'intérêt, c'est bien entendu de créer son propre fil («tumblogue») qui pourra être suivi et partagé par d'autres, qu'il s'agisse d'une personne connue par l'ado ou le préado, ou d'un pur étranger.

À savoir 

Une recherche amorcée avec un mot clé assez générique (filles ou hommes, par exemple) peut mener en moins d'une minute à de la porno. Le langage utilisé par l'application elle-même peut soulever des questions: pour rejeter un billet suggéré, on a la possibilité de cliquer sur «Signaler» ou «Ce billet est à chier»...

YouNow

La diffusion en direct, comme le permet YouNow, est en croissance dans les réseaux sociaux. «C'est un outil très puissant, dont la portée est vaste. C'est aussi imprévisible sur le plan de la diffusion et du visionnement», souligne Christine Elgersma. En effet, la personne qui se filme ne sait pas qui regarde sa diffusion et avec qui elle échange: des enfants? des adultes?

À savoir 

En une courte visite, on a pu constater que quantité d'enfants - visiblement de moins de 12 ans - se filment ainsi en direct. Souvent depuis leur chambre à coucher. Christine Elgersma juge que le risque de dévoiler des renseignements privés est très élevé. Le ton des échanges - les spectateurs peuvent poser des questions par clavardage - n'est pas toujours des plus délicats.

Snapchat

Très populaire auprès des jeunes, entre autres, Snapchat permet d'envoyer des images et des messages d'une durée de vie limitée, qui s'autodétruisent après quelques secondes. Il existe toutefois des applications pour immortaliser en toute discrétion les images envoyées par Snapchat. Encore plus facile: il suffit de filmer ou de photographier l'écran sur lequel s'affiche le contenu pour le fixer à tout jamais...

À savoir

Christine Elgersma souligne qu'une application donnant l'impression que le contenu va disparaître de lui-même peut donner un faux sentiment de sécurité et inciter l'utilisateur à envoyer des sextos (images au contenu plus intime, voire sexuel). Snapchat fait l'objet d'une poursuite aux États-Unis pour avoir exposé des mineurs à du contenu à caractère sexuel à travers une fonction baptisée Discover.

Whisper

L'application permet à l'utilisateur de poser des questions de manière anonyme, notamment à des inconnus. «On ne peut pas savoir qui a envoyé tel ou tel message, explique Thierry Plante. Il est possible de faire partie de grands réseaux, mais si notre réseau est trop petit, il est difficile de conserver l'anonymat.»

À savoir 

Il est beaucoup question de sexe sur cette appli. Christine Elgersma constate aussi que les utilisateurs ne vont pas sur Whisper pour parler des moments rayonnants de leur vie, plutôt de l'inverse. Ce qui signifie que les thèmes abordés (dépression, abus de toutes sortes, etc.) sont du genre qu'on préfère avoir de manière plus encadrée avec des ados et des préados.

PHOTO THINKSTOCK

Fouiller dans l'iPod ou le téléphone d'un ado ou d'un préado, de nos jours, c'est l'équivalent de lire son journal intime.

Des applications conçues pour les préados

La sécurité et le bien-être des enfants préoccupent certains développeurs d'applications. Vine, la plateforme vidéo de Twitter, existe notamment en version enfant (Vine Kids) et son contenu est sélectionné de manière à éviter la diffusion de vidéos inappropriées. Plusieurs autres applications de réseautage social à la Facebook, WhatsApp ou Instagram existent aussi, d'abord et avant tout, pour les préados.

Christine Elgersma signale en vrac PlayKidsTalk, MarimbaChat, KidSafeMessenger et ChildSafeChat. «Ces applications ont été destinées spécifiquement aux préados, alors elles permettent un plus grand contrôle parental et elles ne sont pas ouvertes au monde. C'est-à-dire qu'elles ne permettent pas de diffuser à la planète entière», explique-t-elle.

Ces applications n'offrent pas l'anonymat ni les messages temporaires, deux fonctions qui peuvent avoir des effets pervers, selon la responsable des applications chez Common Sense Media. L'impression que le message est anonyme ou que la photo disparaîtra inciterait les utilisateurs à prendre plus de risques et à partager du matériel plus sensible, plus intime.

«Ces applications offrent quand même une expérience sociale divertissante, ajoute-t-elle. Leur environnement est plus circonscrit. Ce n'est pas comme de mettre le pied dans la jungle des médias sociaux au milieu des adultes et où on peut entrer en contact avec des étrangers.» 

Kuddle, PlayMessenger et KidsInTouch sont aussi des options à explorer pour les parents de préados.