Léa, trois ans, commence à montrer les signes d'un bon rhume : son nez est congestionné, elle tousse, elle éternue et se mouche souvent. Elle fait un peu de fièvre, mais rien d'inquiétant. Sa mère, Jacynthe, a le coeur brisé chaque fois qu'elle voit sa fille dans cet état.

Elle en prend bien soin en lui faisant boire beaucoup de liquide, en lui donnant des médicaments pour faire baisser la fièvre et en n'allant pas travailler pour rester auprès d'elle toute la journée. Elle trouve très triste que sa fille doive composer avec ces symptômes incommodants à un si jeune âge. Elle dit souvent : «Pauvre chouette, ce n'est pas drôle, elle fait pitié.»

Mathieu, son conjoint, trouve qu'elle a raison de dire que Léa fait pitié lorsqu'elle est malade, mais il craint que Jacynthe ne dramatise trop la situation devant sa fille et que cette dernière en vienne à se «victimiser». Après tout, ce n'est qu'un petit rhume qui partira dans quelques jours. Ce n'est pas le premier qu'elle attrape, et surtout pas le dernier!

Quand on est un parent soucieux du bien-être de ses enfants, il est normal de souhaiter qu'ils ne vivent aucune épreuve, que la vie soit totalement rose pour eux. Mais la vie est parsemée d'embûches, petites et grosses, face auxquelles ils doivent apprendre à gérer leurs émotions. Il ne faudrait pas qu'ils tombent dans le désespoir en se disant «pôvre petit moi» chaque fois qu'ils attrapent un petit rhume de fin d'hiver!

Car, dans la vie, on ne contrôle pas tous les obstacles qui se présenteront sur notre chemin, mais on a un certain pouvoir sur notre façon d'y réagir. C'est ce qu'on appelle la gestion des émotions. Devant un problème ou un obstacle, on a le choix de se voir comme une victime qui ne peut rien contre son sort, ou encore comme un être humain, qui n'est certes pas invincible, mais qui a la capacité de contourner ou d'affronter l'obstacle en tentant de diminuer ses effets sur sa vie.

Le but, ce n'est pas nécessairement de se mettre des lunettes roses devant les yeux et de nier tout aspect négatif de notre existence... C'est simplement d'avoir un regard réaliste par rapport à ce qui nous arrive, en se donnant le droit de vivre des émotions négatives, mais sans les laisser prendre le dessus sur soi, sans les laisser devenir extrêmes. Bref, je peux être déçue d'avoir un rhume, il n'y a effectivement pas de quoi sauter de joie. Mais il n'y a pas de quoi faire une dépression non plus!

Cette attitude, que l'on peut qualifier de rationnelle, peut s'apprendre très tôt dans la vie. En effet, les enfants apprennent beaucoup en observant leurs parents et leur façon de réagir aux différents événements de la vie. Ainsi, selon la façon dont ses parents réagissent, un enfant peut apprendre que son rhume est l'une des pires épreuves qu'il a vécues, que c'est quelque chose d'insupportable et d'épouvantable, ou encore apprendre que c'est incommodant, mais qu'il existe des moyens pour se soulager et que ça ne dure que quelques jours. Bref, le verre est à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide!

Cela veut donc dire qu'il ne faut pas dramatiser les petites épreuves que nos enfants vivent dans leur quotidien, afin qu'ils ne se perçoivent pas comme des victimes impuissantes. Toutefois, il ne faut pas non plus banaliser leurs émotions lorsqu'ils vivent une situation difficile. Ils risqueraient de ne pas se sentir écoutés et soutenus, ce qui les inquiéterait tout autant que la dramatisation.

En tant que parent, les meilleures attitudes à adopter par rapport à la détresse d'un enfant sont les suivantes :

» lorsqu'ils sont tristes, déçus, en colère, inquiets, on peut «valider» leur émotion, c'est-à-dire qu'on peut les rassurer qu'il est normal de vivre cette émotion devant cette situation. Ex. : «C'est normal d'être déçu et inquiet lorsqu'on commence à se sentir enrhumé»;

» il ne faut pas banaliser la situation ou ridiculiser l'émotion que l'enfant vit, en disant, par exemple : «Il n'y a rien là, ne pleure pas comme un bébé»;

» il ne faut pas non plus dramatiser la situation et victimiser l'enfant. Sinon, il comprendra que le monde est parsemé de misères qu'il ne peut surmonter sans votre aide. Il appendra à s'apitoyer sur son sort, plutôt que de gérer ses émotions négatives;

» on peut lui demander s'il peut voir des côtés positifs à la situation. Par exemple, lorsqu'on a un rhume, on peut manquer l'école, se faire servir un bon bouillon de poulet par notre parent qui est resté à la maison pour prendre soin de nous, regarder des dessins animés toute la journée;

» ensuite, on peut l'orienter vers la recherche de solutions.

Et enfin, pour qu'un enfant puisse apprendre à bien gérer ses émotions, il faut que ses parents gèrent bien leurs propres émotions lorsqu'eux-mêmes vivent des situations stressantes. Ce n'est pas facile, mais l'objectif, ce n'est pas d'être parfait ou d'être comme un robot sans émotion. Il s'agit plutôt d'être un humain qui vit des hauts et des bas... en évitant de descendre trop bas.