Durant les dernières semaines, j'ai reçu beaucoup de courriels de parents qui ont un enfant qui refuse de dormir seul ou qui demande à les rejoindre durant la nuit. Cette chronique vise donc à répondre aux interrogations de ces parents et est exceptionnellement plus longue que d'habitude. Pour cette raison, vous devinerez qu'il n'y aura pas Une psy vous répond cette semaine!

Après avoir fait des cauchemars durant trois nuits consécutives, Océanne, deux ans et demi, demande à ses parents de pouvoir dormir avec eux, dans leur lit. Au début, ils refusent, car ils ne veulent pas prendre une mauvaise habitude qui pourrait nuire à leur besoin d'intimité de couple ou créer des caprices chez leur fille. Toutefois, chaque fois qu'elle se heurte au refus de ses parents, Océanne fait une énorme crise, qui dure parfois plus d'une heure. Ces crises crèvent le coeur de ses parents, d'autant plus qu'Océanne semble plus anxieuse qu'en colère. La nuit suivante, elle s'éveille une fois de plus en larmes, et explique à ses parents qu'elle a encore rêvé au gros monstre sous son lit.

Sa mère s'apprête à la rassurer tout en lui demandant de retourner dans son lit, mais, à sa grande stupéfaction, son con­joint l'interrompt en disant qu'Océanne peut dormir dans leur lit, seulement pour cette nuit. C'est qu'il a une grosse réunion avec un client important demain matin, et il a absolument besoin d'avoir une bonne nuit de sommeil. Cette solution semble convenir à court terme, mais quel en sera le résultat à long terme?

«Cododo»

Les parents de nouveau-nés savent qu'aujourd'hui on recommande souvent d'adopter le «cododo» durant les premières semaines, voire les premiers mois de vie du bébé. Il s'agit en fait de faire dormir l'enfant dans la même chambre que les parents. Souvent, les parents font l'acquisition d'un berceau ou d'un moïse afin d'y installer l'enfant à proximité de leur lit. Cette façon de faire sécuriserait l'enfant qui ressent ainsi la présence de ses parents, et faciliterait l'allaitement maternel.

Cependant, lorsqu'un enfant d'âge préscolaire ou même plus vieux partage le lit de ses parents, ces derniers parlent souvent de cette situation comme étant problématique. Il va sans dire qu'un enfant dans le lit conjugal limite drôlement la possibilité d'avoir des moments d'intimité en couple! De plus, lorsque l'enfant n'est plus un bébé, le cododo limite l'autonomie du sommeil (c'est-à-dire la capacité à s'endormir seul). En fait, tous les parents souhaitent que leur enfant développe son autonomie sur plusieurs plans : s'habiller, communiquer, se déplacer... Il devrait en être de même pour sa capacité à s'endormir seul!

Lorsque l'enfant ne possède pas cette forme d'autonomie, cela peut éventuellement limiter son développement social, notamment en l'amenant à refuser des invitations à dormir chez des amis ou à participer à une classe neige, puisque ces situations impliquent de dormir sans ses parents.

Plusieurs motifs peuvent amener des parents à accepter de faire dormir l'enfant avec eux :

Ȏpisodes de cauchemars ou de terreurs nocturnes;

»anxiété de séparation chez l'enfant;

»anxiété chez l'enfant à la suite d'une situation stressante (déménagement) ou d'une transition familiale (divorce);

»souhait du parent monoparental d'avoir une présence dans son lit (carence affective);

»anxiété du parent pour son enfant et qui cherche à le surprotéger;

»souhait d'éviter les crises de l'enfant et ainsi de rattraper un manque de sommeil; etc.

À court terme, la solution de faire dormir son enfant avec soi peut avoir pour effet positif de calmer tout le monde et, surtout, de permettre à tout le monde de dormir une nuit complète. Toutefois, à long terme, la présence d'un enfant dans le lit conjugal peut devenir gênante pour la santé du couple. De plus, en acceptant de le faire dormir avec soi, on transmet à l'enfant un ou plusieurs des messages suivants :

»il a raison d'avoir peur;

»il est dangereux de dormir seul dans sa propre chambre;

»un de ses parents a besoin de lui pour dormir.

Il est inutile de dire que les deux premiers points sont faux et que le dernier point demande à l'enfant de protéger son parent ou de combler sa carence affective, ce qui fait reposer une bien trop grande responsabilité sur de trop petites épaules.

Si vous avez déjà accepté que votre enfant dorme avec vous, ne paniquez pas à la lecture de cette chronique! De nombreux enfants dorment temporairement avec leurs parents lors de circonstances exceptionnelles, et acceptent ensuite très facilement de recommencer à dormir dans leur propre chambre. Il s'agit d'enfants qui ne sont pas naturellement prédisposés à l'anxiété.

Pour les enfants qui refusent de regagner leur chambre lorsque les parents souhaitent retrouver leur intimité, il existe plusieurs solutions.

Selon moi, la plus efficace de ces solutions consiste à développer graduellement une autonomie du sommeil chez l'enfant. Ainsi, on demandera à l'enfant de dormir dans sa chambre, afin de se refamiliariser avec cet environnement et réapprendre à s'y sentir en sécurité. Pour le rassurer les premières fois, on lui offrira de le faire à l'aide de la présence d'un parent. Il y a deux façons d'appliquer cette solution :

1. La chaise. Le parent peut s'asseoir sur une chaise près du lit de l'enfant, et y rester jusqu'à ce que l'enfant s'endorme. Après quelques soirs, lorsque l'enfant arrive à s'endormir plus rapidement grâce à la présence de son parent, ce dernier peut augmenter graduellement la distance entre le lit et la chaise. Lorsque cette distance équivaut à placer la chaise dans le cadre de la porte, la petite thérapie est terminée, puisque l'étape suivante consisterait à placer la chaise à l'extérieur de la chambre. L'enfant n'a donc plus besoin de la présence de son parent pour s'endormir!

2. Le matelas. La technique de la chaise peut être incomplète lorsque l'enfant n'est pas seulement anxieux au moment de se coucher, mais également lors d'éveils nocturnes. Dans ce cas, un des deux parents peut installer un matelas dans la chambre de l'enfant, près de son lit, pour y passer la nuit. Comme pour la technique de la chaise, plus l'enfant se sent sécurisé, plus on peut éloigner progressivement le matelas du lit.

Patience!

Presque tous les parents à qui j'ai recommandé cette stratégie ont réussi à faire dormir leur enfant dans son lit... mais le temps requis pour y arriver peut varier d'un enfant à l'autre, selon l'intensité de son anxiété. Le fait de voir leur psychologue régulièrement et de lui parler de l'évolution de leur enfant les aidait à persévérer dans l'application de la technique. Évidemment, les deux parents doivent être à l'aise avec ces solutions.

À court terme, elles peuvent sembler ardues et nuire encore plus à l'intimité des parents, puisque la technique du matelas implique littéralement de faire chambre à part! Mais à long terme, le couple pourra retrouver toute son intimité et l'enfant, toute sa confiance en lui.

Certains enfants finiront même par se compter chanceux d'avoir leur propre chambre... surtout si le parent qui les a accompagnés dans leur chambre ronfle!