Les études ne mentent pas: l'importance de forger un lien solide entre un père et son garçon ou sa fille a été largement démontrée et la liste des bénéfices à long terme est longue. Passer du temps ensemble, partager des intérêts et avoir un but commun sont d'excellentes bases sur lesquelles on peut faire grandir une relation. Explications, témoignages et suggestions d'activités.

Privilégier le temps de qualité

Pour n'importe quel parent, passer du temps avec son enfant est toujours gagnant. Développer une relation, créer un lien privilégié, c'est bon pour les deux parties. Les garçons et les filles adorent ça et leurs parents apprennent à mieux les connaître. Des spécialistes se penchent sur l'importance des activités père-enfant.

L'importance de la présence d'un père est indiscutable, même dans le cas de parents séparés. «L'impact d'un père absent chez les filles et les garçons est le même, quoiqu'un peu plus fort chez les garçons», avance Robert Whitley, professeur adjoint au département de psychiatrie de l'Université McGill et chercheur à l'Institut Douglas.

Le chercheur soutient qu'il est essentiel pour un enfant de passer du temps de qualité avec son père: «C'est une fondation importante pour toute la vie. Avoir un modèle masculin est important pour comprendre comment créer de bonnes relations avec les autres et forger le caractère. Dans la société, on ne parle pas assez de la formation du caractère. Il y a des livres pour apprendre l'algèbre, mais la formation du caractère n'est pas prioritaire. Le père est dans une bonne position pour faire ça.»

Un impact à long terme

Ces moments privilégiés que les pères passent avec leur enfant dans le cadre d'activités sportives, artistiques ou de loisir renforcent le lien d'attachement. Pour Daniel Paquette, professeur à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, ça crée aussi des goûts chez l'enfant. «Si ces moments-là avec le père ont été agréables, faire ces mêmes activités plus tard rappellera de bons souvenirs et il est possible que ça lui donne envie de recréer la même chose avec ses enfants. On est dans un mode de transmission intergénérationnel du plaisir partagé.» 

Généralement, le père va inviter l'enfant dans un univers qu'il aime, là où il est au mieux. Et si cela implique de prendre quelques risques et de sortir l'enfant de sa zone de confort pour l'amener à surmonter des peurs, c'est tout à fait normal. «C'est universel, les hommes prennent plus de risques que les mères, pour des raisons biologiques, mais sans doute culturelles aussi», explique M. Paquette.

S'ouvrir sur le monde

La science s'est d'ailleurs penchée sur cet aspect particulier, le risque, que l'on peut observer chez les pères. «Les chercheurs ont commencé à examiner une fonction paternelle associée à l'ouverture au monde. On se rend compte que les pères sont particulièrement bons là-dedans. C'est sûr qu'ils peuvent donner le biberon et faire les soins de base au quotidien, c'est important qu'ils le fassent, mais là où il ont le plus d'impact sur l'enfant, c'est à la fonction d'ouverture sur le monde», précise le professeur.

Concrètement, cela signifie que le père présente l'environnement physique et social à son enfant en prenant un certain nombre de risques, tout en le protégeant. Exemple simple: une sortie au parc. «Dans les jeux, les pères n'agissent pas exactement comme les mamans, ils envoient le message qu'ils ont confiance, ils invitent l'enfant à être plus intrépide, dans les limites de l'âge et de ses capacités», explique Daniel Paquette. D'une part, le père pousse l'enfant à explorer son environnement, d'autre part, il l'encadre pour qu'il le fasse de façon sécuritaire.

Les intérêts ne concordent pas?

Il aime le hockey, ses enfants n'y voient aucun intérêt? Les pères sont parfois déçus lorsqu'ils réalisent que leurs enfants ne partageront peut-être pas les mêmes passions qu'eux. «Il y a des pères qui vivent une déception profonde, certains vont rester là. D'autres vont essayer de trouver quelque chose en fonction de ce qu'aime l'enfant, même si des fois, ça peut-être un peu difficile. Par exemple, dans mon cas, avec mes filles, c'est le camping qui a été gagnant. L'important est donc de trouver quelque chose qui peut unir le père et son enfant», souligne le professeur.

Cinq pères, cinq activités

Père et fils, père et fille, c'est en relevant des défis, en s'ouvrant à la créativité ou en sortant des sentiers battus qu'ils bâtissent ensemble une relation durable et forte. Rencontre avec cinq pères qui partagent leur passion avec leurs enfants.

Philip Morgan - Les jeux de rôle 

Philip Morgan partage sa passion pour les jeux de rôle grandeur nature avec ses deux filles et son neveu. «On fait ça en famille chaque année, à Bicolline. Pour mes filles, ça implique faire de la couture, choisir des vêtements, les ajuster pour qu'ils aient un look gitan et médiéval, s'impliquer dans la communauté, marchander, investir de l'argent virtuel, etc.»

Après une période de latence qui s'étend du début de l'automne à la fin de l'hiver, le père et ses filles replongent dans l'univers médiéval dès le printemps en vue du grand rassemblement annuel. «On confectionne les costumes, approfondit les règles, imagine les activités ludiques, fabrique des jouets historiques, révise notre lexique romanichel, travaille nos accents et se prépare à l'immersion.» Ce moment avec ses filles permet de développer des habiletés nécessaires à la vie en société, des notions qu'elles découvrent dans un cadre ludique, quoique calqué sur la réalité. 

Sylvain Archambeault - Le tir au pigeon d'argile

Le père et le fils pratiquent la chasse à l'automne, le reste de l'année, c'est le tir au pigeon d'argile. «On essaie d'aller une fois par semaine au Club de la Roue du Roy. C'est un rituel. Il n'était même pas au monde, je tirais au club et j'espérais un jour avoir un fils pour venir ici avec lui.» Ce n'est pas seulement le tir, c'est tout ce qui vient avec l'activité. «On met la musique dans la voiture, on mange, toujours la même chose, on parle. C'est un temps réservé à nous deux, un temps précieux et important. On se raconte tout.» Pour le père, c'est là que se font les plus grandes confidences, de part et d'autre, entre lui et son fils.

C'est plus qu'un sport, c'est une question de contact: «Je crois que chaque père ou parent devrait avoir un truc comme ça, quel qu'il soit, de rapprochement, d'intimité et d'exclusivité avec son enfant.»

Olivier Lefebvre - Le dessin 

Son garçon a seulement 20 mois. Mais l'artiste Olivier Lefebvre dessine et bricole avec lui sur une base régulière. «C'est un petit bonhomme qui est très contemplatif. Il aime beaucoup regarder les choses, fasciné par comment elles semblent fonctionner. Je crois que j'étais un peu comme lui quand j'étais petit.» Par le truchement de l'art, le père crée un lien unique avec son fils: «Pourquoi du bricolage? Parce que je suis à l'aise dans ça. Je me dis que je vais aller en terrain connu et le laisser décider de si ça fonctionne ou pas pour lui.»

Le père se dit surpris de voir à quel point son enfant est dans le moment présent, dans l'instant. «Comme artiste, on oublie parfois que c'est ce qui est important. Il me donne une belle leçon sur comment voir les choses. Un truc que j'utilise pour le divertir est en train de m'affecter, moi, dans mon processus créatif, d'une façon extrêmement positive. On fait de la magie ensemble.»

Jasmin Dumas - Le motocross

Père de trois jeunes filles, Jasmin Dumas a grandi près de Bromont et a toujours fait de la moto. Dès que ses filles en ont été capables, il les a initiées à la pratique du motocross. «Aujourd'hui, elles ont chacune leur moto.» D'une à deux fois par semaine, ils se rendent sur la piste privée d'un ami pour s'adonner à cette activité père-filles hors du commun.

Il apprécie le moment privilégié qu'il passe avec elles. «L'excuse, c'est la moto. Ç'aurait pu être n'importe quoi d'autre. C'est leur transmettre mon savoir de la moto, oui, mais surtout passer du temps avec les trois et les voir évoluer à travers ça. La vie va vite, après l'école, elles rentrent à la maison, on fait les devoirs, on soupe, on se couche. C'est une roue qui tourne. Ce moment à moto, il me permet de savourer l'essence de chacune d'elles. C'est un moment tout seul avec papa.»

Frédéric de Matos - Le roller derby

Très impliqué dans le roller derby, un sport qu'il pratique depuis huit ans, celui qu'on surnomme Tank et qui a été sacré deux fois joueur le plus utile au Canada en Coupe du monde partage depuis peu la piste avec son garçon, El Skeleto. «Il a 16 ans. La ligue a accepté qu'il pratique et joue avec nous. Au début de la saison, il était dans l'équipe locale, et depuis un mois, il est aussi dans les Mont Royals. On pratique ensemble, on joue ensemble, on voyage ensemble.»

Tout récemment, ils participaient à leur premier match père et fils, à Ottawa. «On a toujours été vraiment proches. Mais ensemble sur la track, c'était très spécial, une belle expérience. Je suis vraiment fier de lui.»

Tank espère jouer encore deux ans et se rendre à la prochaine Coupe du monde. «J'aimerais beaucoup être sélectionné avec mon gars. Je me croise les doigts qu'on soit choisis les deux.»

PHOTO FOURNIE par la famille

Philip Morgan avec sa femme Chantal Gratton, son neveu, Xavier Charbonneau 9 ans et leurs deux filles Élizabeth, 8 ans, et Camilia 11 ans.

Suggestions d'activités

Si un père est en panne d'idées pour des activités à faire avec son fils ou sa fille, il peut se tourner vers sa municipalité, où certaines activités sont réservées aux pères et à leur enfant. Des organismes d'entraide et de soutien destinés aux pères peuvent aussi donner un coup de main appréciable. Autrement, il ne s'agit que de faire preuve d'un peu d'originalité pour trouver le prétexte parfait à un moment à deux.

Apprendre un instrument de musique

On peut plonger à deux dans l'univers de la musique. Et au lieu d'aller dans une école de musique, on peut opter pour un professeur particulier, à la maison. Et combiner l'activité à quelques concerts. 

Autour de la maison

Que ce soit pour faire de petites réparations, peindre la galerie, faire le ménage du garage, assembler un meuble ou réparer un objet. D'un côté, on lui apprend des choses utiles et, de l'autre, on lui montre ses talents. Et pourquoi ne pas lui acheter quelques outils?

Une sortie à deux

Si le temps ne permet pas de s'impliquer à long terme dans quelque chose, un père peut quand même bloquer un moment à son horaire pour une sortie à deux. Chaque semaine, la même plage horaire est réservée: balade en voiture, cinéma, match sportif, restaurant, musée, etc.

Avoir un projet commun

Une boîte à savon, une niche pour le chien, une bibliothèque pour la salle de jeu, bâtir quelque chose de ses mains procure une grande fierté et demande de la détermination. En fonction des intérêts de l'enfant, on planche sur un projet.

Cuisiner 

On peut impliquer l'enfant dans une activité du quotidien. Un soir par semaine, le père et l'enfant peuvent décider du menu à préparer et ainsi profiter de ce passage obligé à la cuisine pour passer du temps ensemble.

PHOTO FOURNIE par la famille

Elliot, 20 mois, adore dessiner avec son père, Olivier Lefebvre.