Guerre, kamikazes, terroristes. Des mots forts, durs, qui font peur, résonnent sur toutes les tribunes depuis vendredi. Comment les expliquer aux enfants? Que dire et, surtout, éviter? Quatre conseils pour expliquer l'horreur aux enfants.

Guerre?

Première question: faut-il employer le mot «guerre», comme l'a fait le président français François Hollande pour qualifier les attentats de vendredi à Paris? Les avis sont partagés. Dans le Nouvel Observateur, une psychothérapeute avance qu'il est important de le dire:  Il faut dire la vérité à nos enfants.» À Paris, peut-être, mais ici? La psychologue québécoise Florence Marcil-Denault n'est pas très à l'aise avec le mot. «Avec un ado, bien sûr, on s'assoit et on discute, mais avant 11 ans? Le mot guerre est hyper épeurant, abstrait.» À savoir: ce n'est pas avant 11 ou 12 ans qu'un enfant est capable de saisir certains concepts abstraits, notamment que «ce qui se passe ailleurs ne se passe pas dans ma cour». En bref, «qu'un océan nous sépare».

Conflit

Au mot «guerre», la psychologue préfère «conflit», histoire de résumer les attentats de vendredi en mots simples, clairs, à l'échelle de l'enfant. «On peut expliquer ce qui est à la base d'un conflit entre deux équipes. La rivalité entre deux équipes: une veut gagner, dominer, et l'autre essaye de se défendre», résume-t-elle. Sous cet angle, on peut expliquer que vendredi, «une équipe [les méchants] a utilisé des moyens qui ne sont pas permis. Ils n'ont pas respecté les règlements». De 8 à 10 ans, les enfants sont très sensibles à cette question de «règlements». Si l'enfant pose la question, oui, on peut lui expliquer ce qu'est un terroriste, toujours sous cet angle: «un terroriste, c'est quelqu'un qui attaque, qui veut faire peur, qui ne suit pas les règles».

Écouter

Mais avant même d'expliquer, il faut écouter l'enfant. Répondre à ses questions. Qu'a-t-il entendu? Qu'a-t-il compris? «C'est la règle numéro un: attendre que l'enfant nous pose des questions, sinon on va mettre des idées qui ne sont pas là dans sa tête», rappelle Florence Marcil-Denault. En un mot: ne parlez pas de kamikazes si votre enfant n'aborde pas lui-même le sujet. L'idée, toujours, étant de répondre à ses interrogations, sans nier la réalité, mais sans non plus l'effrayer inutilement. À noter, il sera important demain, et les jours qui suivront, de faire le suivi de ce que vos enfants auront entendu, compris, appris, en classe ou dans la cour d'école. Conseil de psychologue: ne lancez pas cette discussion avant le coucher et, surtout, évitez de les surexposer aux informations qui roulent en boucle à la télé.

Rassurer

C'est votre devoir de parent: rassurer. Et il faut leur dire: ce n'est pas en train de se passer chez nous. «Cette distance, on l'aime, elle est rassurante, cela permet de nous calmer.» À la question: «est-ce que ça pourrait arriver ici», il est impossible de promettre que non. «C'est la vie, et la vie comporte des risques», dit la psychologue, qui conseille par contre de signaler aux enfants comme aux ados toutes les mesures de sécurité mises en place. Soyez visuel, suggère-t-elle: avec des chiffres, des statistiques, des pointes de tarte. À la suite aux attentats contre Charlie Hebdo, en janvier dernier, un psychanalyste avait conseillé, dans la revue Psychologie, d'en profiter pour parler de valeurs fondamentales avec nos enfants, «de liberté, de tolérance, de solidarité». «[Expliquer] que nous nous sommes battus dans ce pays pour obtenir ces droits et qu'il nous faut à nouveau nous battre pour pouvoir les conserver...»

En résumé: des mots pour chaque âge

Aux tout-petits: on les tient éloignés des images de la télé, on évite de tenir devant eux des discussions animées et, au besoin seulement, on leur explique que des événements se sont passés «très, très loin».

Aux enfants d'âge scolaire: on évite l'exposition aux informations, on les écoute (avec des dessins, au besoin), on explique au rythme de leurs questions, dans des mots simples, justes et rassurants.

Aux ados: on évite la surexposition aux informations, on s'assoit pour discuter, on s'interroge sur leurs certitudes (c'est quoi pour toi une guerre, est-ce que c'en est une?) et on les rassure. «Ils peuvent avoir l'air en contrôle, mais être terrifiés à l'intérieur», met en garde la psychologue...