Depuis cinq ans, Louis-Philippe Beaupré-Bleau vit au Chili. Tous les week-ends, il va chercher sa fille de 6 ans, Maïra, à Viña del Mar, à 120 km de Santiago, où il vit. La Presse l'a joint pour parler de paternité à la sauce chili (enne).

Vous êtes séparé de la mère de votre fille depuis trois ans. Comment est-ce perçu au Chili ?

Aujourd'hui, ça va mieux. Mais quand ma fille avait 3 ou 4 ans et qu'elle était avec moi, souvent, les gens cherchaient sa mère. Dans mon immeuble, les voisins me demandaient régulièrement si la petite avait mangé, si elle s'était lavée, si je changeais ses vêtements. C'était ridicule. Ils étaient inquiets pour elle. Au début, je le prenais personnel. Maintenant, j'ai compris le contexte. Au Chili, il faut prouver qu'on est un bon père qui aime ses enfants, qui s'en occupe, qui est là pour eux. Il y a beaucoup de préjugés. Au Québec, on tient davantage pour acquis que tant la mère que le père sont de bons parents.

C'est donc différent, être père au Chili ?

C'est clair. Il y a des avantages et des désavantages. Au Chili, les gens sont beaucoup plus chaleureux et affectueux avec tout le monde, particulièrement avec les enfants. On voit des parents, même des pères, se promener main dans la main avec leurs enfants, même s'ils ont 10 ou 12 ans. J'ai découvert cette affection ici, je n'étais pas du tout comme ça avant.

Il y a aussi des désavantages ?

Oui. C'est une société moins égalitaire, où le père a un rôle différent. Un exemple : au jardin d'enfants où allait ma fille, il y avait une grande célébration pour la fête des Mères, avec un spectacle et des cadeaux. À la fête des Pères, on recevait une petite carte, c'est tout. J'ai demandé à la direction pourquoi il y avait un tel écart entre les deux fêtes. Eh bien, l'année suivante, ils ont transformé l'événement en fête de la famille ! Si on parle aux gens calmement, on est capables de leur faire réaliser qu'il y a un écart dans la façon dont la mère et le père sont vus.

C'est néanmoins important d'être père, au Chili ?

Très important. Au Québec, j'ai beaucoup d'amis dans la trentaine qui n'ont pas d'enfant, qui commencent à y songer. Au Chili, les gens se marient à l'âge de 24 ou 25 ans et ils pensent tout de suite à avoir des enfants. Il y a une pression énorme pour le mariage et les enfants. C'est quand même assez traditionnel et conservateur.

Que faites-vous avec Maïra ?

Je tiens à ce qu'elle connaisse la culture québécoise. Nous écoutons de la musique et des films en français, nous lisons des histoires en français. Je regarde de temps en temps des parties de hockey avec elle. Elle a même appris la chanson Le but, de Loco Locass ! Il y a beaucoup d'intérêt de sa part. On va aussi au parc, faire du sport, manger de la crème glacée, comme n'importe quel père le ferait au Québec.

Que font typiquement les pères chiliens avec leurs enfants ?

Le dimanche est LE jour où les parents passent du temps avec leurs enfants. Les pères s'occupent du barbecue familial tout en suivant religieusement les parties de football (soccer), surtout avec leurs garçons. Ils jouent également au foot. Plusieurs vont au stade de leur équipe, surtout avec les garçons, encore une fois. Il y a également souvent des activités sur la grand-place, les fins de semaine. Chaque village, ville, ou quartier a une place centrale appelée plaza, où les gens se rencontrent.

CHILI

Population en 2014

18 millions d'habitants

Taux de fécondité en 2012

1,83 enfant par femme

Congé de paternité

Cinq jours payés

QUÉBEC

Population en 2014

8 millions d'habitants

Taux de fécondité en 2012

1,67 enfant par femme

Congé de paternité

Cinq semaines payées à 70 % du revenu (revenu maximal assurable de 69 000 $ par an).

Sources : Banque mondiale, Université de Sherbrooke, ministère du Travail du gouvernement chilien, Institut de la statistique du Québec et Régime québécois d'assurance parentale

Vous êtes un père vivant ailleurs qu'au Québec et vous aimeriez témoigner ? Écrivez à notre journaliste : mallard@lapresse.ca