Pour jouer au jeu internet Blablaland, les enfants achètent de la monnaie virtuelle, les «blabillons ». Leurs parents, eux, reçoivent une facture réelle, à payer en dollars. Des plaintes ont été déposées contre deux mondes virtuels auprès de l'Office de la protection du consommateur, pour publicité destinée aux enfants.

Des appels à «Allopass», facturés 335$ plus taxes?! C'est la mauvaise surprise qu'a eue Normand Allard, de LaSalle, en ouvrant son plus récent compte téléphonique. Cette somme rondelette lui est réclamée parce que son fils Alexandre, 12 ans, a acheté des blabillons.

Le blabillon est une monnaie virtuelle qui permet d'acquérir des avatars, des pouvoirs et divers accessoires dans le jeu en ligne français Blablaland. Il suffit de composer un numéro 1-900 pour en obtenir. «En moins de 2 minutes, tu peux avoir des milliers de Blabillons!!», lit-on sur le site du jeu. «Coût moyen de l'appel : 5$ CAD», précise-t-on en revanche en petits caractères roses.

À partir du 19 décembre, Alexandre a appelé une soixantaine de fois. «J'aime me promener dans Blablaland, jouer avec un ami. On se parle au téléphone en même temps qu'on joue, a expliqué le garçon, rencontré chez lui. À un moment donné, on s'est dit qu'on voulait être les plus cools.»

Le jeu de base de Blablaland est gratuit. «Mais pour aller plus loin, pour acheter des armes, etc., il faut des blabillons», a constaté M. Allard (sans lien de parenté avec l'auteure de ces lignes).

«On n'aurait jamais pensé qu'il pouvait engager des frais par téléphone, a souligné Line Lafrenière,la mère du garçon. Ils ont trouvé une façon détournée de faire payer des enfants qui n'ont ni de carte de crédit ni autorisation parentale.»

Publicité destinée aux enfants

Une plainte a été déposée contre Blablaland à l'Office de la protection du consommateur (OPC), a appris La Presse. Motif : Blablaland contreviendrait à l'interdiction de faire de la publicité destinée aux enfants. «C'est de la publicité pourl'achat de blabillons, a résumé Nathalie Jackson, avocate à l'OPC. L'enfant est dans son jeu et, à un moment donné, il se fait proposer d'acheter quelque chose. On vous vend un produit commercial, qui est le blabillon. » Le dossier de Blablaland «est sous enquête», a précisé l'avocate.

L'OPC a aussi reçu une plainte contre Club Penguin, «monde virtuel numéro 1 pour les enfants», selon Disney, son propriétaire. Ce jeu permet aux enfants de créerleur pingouin, puis d'interagir avec d'autres pingouins dans une île. Dans sa version gratuite, le jeu peut devenir frustrant. «À différents moments, le pingouin bute contre des zones où il ne peut pas aller, a expliqué Me Jackson. On l'expose à un message qui dit : «Demande à tes parents de t'abonner».» Vendu 7,95$, l'abonnement d'un mois ne peut êtreréglé que par carte de crédit. Là aussi, l'enquête de l'OPC est en cours.

« Club Penguin s'efforce de maintenir les standards les plus élevés de l'industrie dans ses communications avec les joueurs, a commenté Carrie Davis, de DisneyInteractives. Nous travaillons continuellement avec les parents et les tierces parties, comme l'OPC, dans le cadre de ces efforts.»

Blablaland et VoxTel se défendent

C'est La Presse qui a appris à Niveau99, l'éditeur de Blablaland, que le jeu a fait l'objet d'une plainteau Québec. «Sur toutes les pages affichées lors du processus d'achat des blabillons, il est indiqué clairement et visiblement que chaque mineur doit avoir reçu l'accord de ses parents avant de valider l'acte d'achat, a fait valoir Niveau99, par courriel. Nous n'avons pas le pouvoir de détecter les transgressions des enfants qui achètent sans autorisation, ni d'installer un contrôle parental sur mesure dans chaque famille.» Niveau99 a néanmoins évoqué la possibilité d'éliminer les bannières de vente de blabillons sur les écrans des joueurs qui indiquent, dans leur profil, qu'ils ont moins de 13 ans.

«Il faut savoir que chaque fois qu'une personne appelle, il ya un préambule obligatoire de 18 secondes qui mentionne le tarif et le fait qu'il faut avoir 18 ans ou, au moins, l'autorisation des parents», a renchéri Olivier Bourreau, directeur de VoxTel. Cette entreprise se charge de la facturation d'Allopass au Canada, pour les appels faits au numéro 1-900 de Blablaland.

«Je veux bien qu'un jeune garçon n'ait pas forcément compris, a ajouté M. Bourreau. C'est tout à faitpossible la 1e fois, la 2e fois, même la 10e fois. Mais 60 fois, vous ne trouvez pas que c'est beaucoup?»

Normand Allard a contesté avec succès sa facture auprès de Bell. «Je confirme que M. Allard a reçu un crédit à son compte le 1er février», a indiqué Marie-Ève Francoeur, des relations avec les médias de Bell.«Nous sommes en communication avec Voxtel pour récupérer cette somme», a-t-elle ajouté.

M. Allard peut dormir tranquille. « Bien souvent, on va envoyer une lettre pour demander des explications, lors de contestation, a dit M. Bourreau. Mais à ma connaissance, Allopass n'envoie pas de facture.»

Quant à Alexandre, il est privé d'ordinateur pour deux semaines. C'est ce qu'on appelle se faire rattraper par la réalité.

Allô VoxTel?

VoxTel, l'entreprise responsable de la facturation de Blablaland au Canada, se spécialise dans les paiements par téléphone et... les sites de rencontre. «Vous êtes-vous déjà demandé commentla rencontre, les médiums et les sites de conversation pouvaient être aussi lucratifs ? peut-on lire sur le site internet de VoxTel. Vous voulez être de ceux qui capitalisent sur la force de ces marchés ? Laissez-nous vous faire découvrir les astuces qui feront toute la différence et vous amèneront au succès. »