Astronaute et déléguée scientifique du Québec à Washington

Astronaute, Julie Payette évolue dans un domaine qui ne pardonne pas. La conciliation travail-famille? Très difficile, surtout pour les femmes. «Lorsqu'on s'absente pour avoir des enfants, on n'est plus dans la course pour se positionner pour obtenir un siège d'opérateur de véhicule spatial. Quand on n'est pas là, il y a beaucoup de monde qui veut prendre la place.» Malgré tout, Julie Payette a fait le saut dans la maternité au tournant de la quarantaine, après deux missions. «Chez les astronautes américaines, l'âge moyen pour un premier enfant est de 41 ans.»

«Certains collègues s'absentent jusqu'à six mois sur la station spatiale. Aujourd'hui, tout est fait pour maximiser les relations avec la famille, on offre du soutien. Mais le parent est quand même absent. Plusieurs ont une conjointe à la maison. C'est un rôle qui est trop peu valorisé, c'est un apport exceptionnel à la société.»

La vie de famille pour Julie Payette est plutôt complexe. Sa famille est reconstituée, elle a deux enfants de 18 ans et 8 ans, et son conjoint travaille dans une autre ville. «Nous sommes une famille unie, avec des impératifs de travail qui nous séparent la semaine. J'ai des semaines chargées et des engagements qui nécessitent des déplacements. Mon plus jeune habite avec moi. Quand j'habitais à Houston, nous avions des jeunes filles au pair francophones. Mon horaire pouvait changer à tout moment, hors de mon contrôle. On voyageait beaucoup et je ne voulais pas que mes enfants soient trimbalés à gauche à droite tout le temps.» Avec de l'organisation, tout est possible, dit-elle. «Je passe du temps de qualité avec mes enfants.»

Être parent, c'est «être là pour mes enfants, favoriser la communication et les jeux». Elle est convaincue qu'un enfant doit jouer et paresser. «Il ne faut pas que travailler et apprendre la méthode Suzuki à 3 ans. Probablement parce que nous sommes des parents performants avec des carrières de haute voltige, je suis plus consciente de l'importance de laisser mes enfants être des enfants. Leur job, c'est aller à l'école, s'améliorer et jouer.»

Elle s'assure aussi de transmettre sa culture et sa langue - «un défi de plus» -, ainsi que les valeurs que lui ont transmises ses parents: l'amour, la générosité, la compassion, la dignité, la courtoisie, le sens de l'effort et le bonheur.

«Je pense que fonder une famille est un choix plus éclairé aujourd'hui. Ce choix-là était fait pour nous dans le passé, les rôles étaient plus définis. Les gens peuvent maintenant s'inventer leur famille, leur propre façon de fonctionner. Avant, c'était impensable ou catastrophique d'avoir des enfants à 40 ans. Aujourd'hui, c'est tout à fait normal. Ça a beaucoup évolué.»