On savait depuis longtemps que les enfants les moins populaires sont plus à risque d'avoir des problèmes de comportement. Plus récemment, des études ont montré que ce risque s'étend aussi aux enfants qui trônent au sommet de l'échelle sociale.

La réalité est plus complexe, selon une psychologue québécoise qui étudie à l'Université de l'Oregon. Les «enfants controversés», une nouvelle catégorie d'enfants qui sont populaires, mais aussi détestés dans leur école, seraient les plus susceptibles d'avoir des problèmes de comportement - de mentir, de se battre ou de consommer précocement de l'alcool et des cigarettes. Leur popularité leur fournirait un appui dans leurs tentatives de défier la morale et l'autorité des adultes.

Les constats de Marie-Hélène Véronneau, qui a présenté les résultats de son postdoctorat au congrès annuel de la Société de recherche sur le développement de l'enfant, mettent en évidence l'importance de la supervision parentale à la préadolescence. Les 1300 enfants de son échantillon, qui ont été rencontrés en sixième et en huitième années, l'équivalent de la deuxième secondaire, bénéficiaient tout particulièrement d'une «supervision indirecte», où les parents savaient généralement ce qu'ils faisaient et qui ils fréquentaient après l'école, ainsi que la nature de leurs activités avec leurs amis. C'était encore plus vrai pour les enfants dits controversés.

«Il y a des parents qui baissent les bras à l'adolescence et se disent que leurs enfants ont besoin de liberté, qu'ils ne doivent plus s'occuper de leurs affaires, explique Mme Véronneau. Mais les adolescents ont encore besoin du regard de leurs parents, tout particulièrement vers 12, 13 ans, alors qu'ils vivent des changements importants. Ils veulent plus d'autonomie, mais aussi savoir que leurs parents sont au courant de ce qui se passe dans leur vie. Par exemple, prévoir que l'enfant appelle un parent quand il arrive à la maison après l'école, ce n'est pas seulement rassurant pour le parent, mais aussi pour l'adolescent.»

L'innovation de la psychologue québécoise a été d'utiliser deux échelles pour évaluer la popularité de ses cobayes, une pour le rejet et une autre pour l'acceptation. «Quand on évalue la popularité avec une seule question, les enfants controversés se retrouvent dans la moyenne, dit Mme Véronneau. Or, ils forment vraiment un groupe à part.»

L'analyse des données montre qu'avec des parents fournissant peu de supervision, les problèmes de comportement sont identiques chez les enfants bien acceptés. Mais ils explosent chez les enfants qui sont à la fois très aimés et très détestés. Avec des parents fournissant beaucoup de supervision, les troubles de comportement restent stables chez tous les enfants, peu importe leur taux de rejet et d'acceptation, entre 12 et 14 ans.

L'étude de Mme Véronneau s'est aussi penchée sur l'impact de la surveillance parentale, du rejet et de l'acceptation chez les garçons et les filles. Certaines études ont avancé que les filles sont plus sensibles à l'influence de leurs pairs parce qu'elles ont davantage tendance à avoir des meilleures amies plutôt que de se définir par l'appartenance à un groupe, comme les garçons. Ses données n'ont pas permis de valider cette hypothèse, mais elle a pu observer l'effet protecteur des amitiés avec des élèves performants, qui limitent l'impact de facteurs de risque tels que des amitiés avec des enfants antisociaux.