Quand elle entre dans la chocolaterie familiale, Mélodie, âgée de 6 ans, est au paradis. Les lapins côtoient les chocolats fins à la fraise et au basilic, à l'abricot et au romarin. « J'aime aider grand-maman à faire le chocolat. Je prépare aussi les bâtons de guimauve », dit-elle, les yeux ronds. Plus que tout, la fillette aime se sucrer le bec.

Chez Chocostyle, à Montréal, la passion du chocolat se transmet de mère en fille et ce, depuis quatre générations. Au coeur de l'entreprise : Annie Roggero, maître chocolatier depuis une quinzaine d'années. Elle a commencé à faire du chocolat à 8 ans avec sa mère au Pérou. «C'était naturel, j'ai grandi dans un village où l'on cultivait le cacao, mais jamais je n'aurais pensé un jour en faire une spécialité.»Après la mort de son mari en 1991, Annie Roggero a sombré dans une profonde dépression. Commis comptable, son emploi l'ennuyait plus que tout. «Découragée, j'ai appelé ma mère. Elle faisait des truffes. Ça a été le déclic.» Après avoir pris des cours auprès de grands chefs suisses et belges, elle a démarré son entreprise en 2004 avec sa fille Gina, alors enceinte de Mélodie. «Ça a été un changement incroyable dans ma vie.»

«Au début, c'était la lune de miel. Mais rapidement, il y a eu des chicanes et des claquements de porte, raconte Gina en riant. C'est normal, on a le sang chaud.» Gina Rubini est responsable des relations humaines et des projets spéciaux, tout en poursuivant une carrière de sexologue et psychothérapeute. « Somme toute, l'adaptation s'est bien passée», souligne-t-elle.

Le chocolat a même rapproché mère et fille. «Avant, la communication était difficile. Nous étions distantes, peut-être en raison de l'immigration, et ma mère me le reprochait, confie Gina. À travers le chocolat, produit très festif, nous avons créé de nouveaux liens.»

Gina, qui avait toujours vu sa mère très forte - «presque surhumaine», dit-elle -, a découvert une femme fragile, émotive, créative et parfois très angoissée. «J'ai enfin vu son vrai visage, je la connais mieux et je sais que je peux l'aider. Je suis très fière de maman, de ce qu'elle accomplit.»

Selon Annie Roggero, la chocolaterie est viable parce que chacun y met du sien. Son fils s'est joint à l'entreprise l'an dernier. Et la petite Mélodie ? En attendant de penser à prendre la relève, elle joue l'assistante dans les fêtes d'enfants à la chocolaterie.

La chocolatière nage en plein bonheur. «Je laisse ma trace au Québec avec ma famille unie à mes côtés», conclut-elle, avant de reprendre son travail dans son atelier. Elle y prépare de jolis bouquets de fleurs chocolatées, fête des Mères oblige.