Un livre critiquant sévèrement la cuisine moléculaire a été publié récemment en Espagne. Dans No quiero volver al restaurante ! (« Je ne veux pas retourner au restaurant ! »), le gastronome et journaliste allemand Jörg Zipprick écrit notamment que la cuisine moléculaire est la « vitrine de l'industrie chimico-alimentaire ».

M. Zipprick souhaite mettre en garde contre les « dangers » de la cuisine moléculaire et affirme résumer dans son livre ce que chaque « client potentiel devrait savoir sur certains restaurants ». L'auteur, dont la cible préférée est le chef Ferran Adrià, déclare que les techniques de cuisine moléculaire n'ont « pas été élaborées par des cuisiniers géniaux, mais par les industriels ». Selon M. Zipprick, les tests pour mettre au point les techniques sont réalisés grâce à des fonds fournis par les industriels et par les contribuables.

L'auteur évoque en particulier le projet Inicon, partiellement financé par l'Union européenne, et élaboré par le TTZ, sigle en allemand du Centre de transfert technologique, qui se définit comme « fournisseur de services pour la recherche orientée vers le marché, et indépendant ». Selon M. Zipprick, Inicon a posé les bases de la technique de « sphérification, par laquelle (...) les aliments deviennent de "petites boules" semi-solides ». L'auteur signale que parmi les bénéficiaires des travaux figurent trois restaurants pratiquant la cuisine moléculaire.

Certains ingrédients utilisés suscitent par ailleurs « la polémique » dans les milieux scientifiques, a déclaré à l'AFP M. Zipprick.

L'année dernière, M. Adrià a été au centre d'une controverse lancée par un autre chef étoilé, Santi Santamaria, qui lui reproche de « remplir les assiettes de gélifiants et d'émulsifiants de laboratoire » présentant un « problème pour la santé publique ». Dans l'industrie alimentaire, l'usage d'additifs est soumis à une réglementation très stricte, mais pas dans la restauration, rapporte l'AFP.

Dans une entrevue au quotidien El Mundo, Ferran Adrià avait alors déclaré que la polémique au sujet de l'utilisation de produits chimiques dans ses plats était un « non-sens » tant d'un point de vue légal que sanitaire et que les produits chimiques font depuis longtemps partie de la haute cuisine. « Les glaces artisanales, celles qui sont excellentes, doivent comporter une substance stabilisante pour éviter la cristallisation. Le sucre connaît des transformations chimiques et physiques pendant son élaboration. Le chocolat contient de la lécithine. L'agar-agar est une algue épaississante qui s'utilise au Japon depuis des siècles », avait-il souligné.

Une autre star de la cuisine moléculaire, le chef Heston Blumenthal, s'est retrouvé récemment dans l'embarras. Son célèbre restaurant londonien, The Fat Duck, a été fermé par les autorités sanitaires pendant deux semaines après que 400 clients furent tombés malades. Le restaurant a finalement rouvert ses portes à la mi-mars.