C'est pratiquement devenu un cliché dans les récits de changement de vie : un professionnel de la finance décide de suivre sa passion et de changer de carrière. Frédéric Lauzon, lui, a fait l'inverse : à 35 ans, il a abandonné sa carrière d'enseignant pour se lancer en finance.

Dès les premières secondes de sa 13e rentrée scolaire, Frédéric Lauzon regardait la classe devant lui et savait que sa première journée serait aussi sa dernière.

« J'ai complété ma journée d'enseignement. Puis, je suis allé voir le directeur et je lui ai dit : "Je ne peux pas faire cette job-là. Je ne veux plus." »

Ce jour-là, Frédéric Lauzon est rentré chez lui et a annoncé à sa conjointe qu'il avait démissionné.

« Elle m'a traité de fou », se souvient-il.

Après 12 années passées à enseigner les mathématiques au secondaire dans des écoles de la région de Montréal, Frédéric Lauzon avait « atteint le fond ».

« Continuer dans l'enseignement était hors de question. L'envie de démarrer mon entreprise, d'être mon propre patron, était devenue trop forte pour que je puisse continuer à l'ignorer. »

Une situation qui trouve sa naissance dans son premier emploi d'enseignant de mathématiques en cinquième secondaire au Collège Notre-Dame, à Montréal, obtenu à l'âge de 22 ans.

« Je remplaçais un enseignant qui était tombé malade. Ce devait être pour une semaine, mais finalement, j'ai eu le contrat pour un an. » Frédéric est ensuite allé enseigner dans différentes écoles secondaires de la région.

Les premières années d'enseignement ont été stimulantes, dit-il. « C'était emballant, car je devais monter mes cours, me familiariser avec tout ça. J'aimais le défi que ça représentait. »

Au bout de quatre ou cinq ans, toutefois, le titulaire d'un baccalauréat en enseignement des mathématiques et de l'informatique à l'Université du Québec à Montréal commençait à trouver ses journées redondantes.

« Le milieu me plaisait plus ou moins aussi. C'est malheureux, mais bien des enseignants n'aiment pas ce qu'ils font. Entendre des collègues compter le nombre d'années qui leur restaient avant la retraite... Je trouvais ça lourd. »

- Frédéric Lauzon

Un enseignant qu'il connaissait faisait des déclarations de revenus dans ses temps libres. « Il m'a demandé si je voulais l'aider. Ç'a été mon démarrage. Des déclarations de revenus, j'en fais encore aujourd'hui. »

Frédéric a continué d'enseigner quelques années de plus, mais le coeur n'y était plus. À l'automne 2009, une conversation avec un agent immobilier lui a fait découvrir le monde du financement hypothécaire. « C'est là que j'ai allumé. C'est un domaine où on a besoin des maths. Alors je suis retourné étudier. »

Frédéric a obtenu son permis d'agent immobilier, permis qu'il devait posséder pour faire du financement hypothécaire. Puis, en février 2010, la Banque Nationale l'a embauché pour faire du démarchage hypothécaire. Il a démissionné de son emploi d'enseignant.

« Ce matin-là, j'étais à la fois excité par le sentiment de liberté, et aussi nerveux. J'avais deux enfants en bas âge. Je venais de quitter un salaire garanti d'un peu plus de 60 000 $ par année, et je passais à un salaire garanti de 0 $. »

- Frédéric Lauzon

La première année, il a tiré son épingle du jeu. L'année suivante a été plus pénible : il a touché à peine 18 000 $ en revenus pour son labeur.

« C'était une méchante débarque. On n'arrivait pas à joindre les deux bouts. »

C'est à ce moment que Frédéric a décidé, à contrecoeur, de retourner enseigner. C'était le début de sa 13e année d'enseignement, et il a démissionné au bout d'une journée.

Frédéric est retourné à l'école pour acquérir les compétences nécessaires afin de faire des placements financiers et vendre de l'assurance. Puis il a décidé de lancer sa pratique.

C'était il y a cinq ans. Aujourd'hui, Frédéric Lauzon est conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective. Il s'est aménagé un bureau à la maison, à Blainville, où il reçoit ses clients. Pour lui, c'est le jour et la nuit : si c'était à refaire, il choisirait de passer toute sa carrière en finance tellement il aime son nouveau domaine.

Pourtant, quand il a quitté l'enseignement, bien des collègues lui ont dit qu'il faisait une erreur.

« Ils me disaient : "T'es malade de faire ça, t'as une famille, pense à ta sécurité, ton fonds de pension." Aujourd'hui, ces mêmes personnes voient que je suis maître de mon horaire, et elles m'envient. Mais je ne crois pas qu'elles savent vraiment par quoi je suis passé pour en arriver là. »

Son expérience, dit-il, lui a appris à ne pas hésiter à aller de l'avant.

« La sécurité qu'un emploi te procure, ça peut être ton pire ennemi. Quand tu commences à compter les jours avant la fin de semaine, avant les vacances... C'est pas une vie. »