Dans un monde où la production de viande se fait, trop souvent, de façon hautement critiquable, il y a beaucoup de bonnes raisons d'être végétarien. Ou du moins, il y a beaucoup de bonnes raisons de rechercher des occasions de manger des légumes, des grains et des protéines végétales plutôt que celles, animales, produites dans des fermes industrielles ou pêchées, exagérément, dans les océans.

Pourtant, trouver de bons plats végétariens n'est pas facile à Montréal. Quelques restaurants commencent, dans la foulée philosophique des Alain Passard, Charlie Trotter et René Redzepi de ce monde - de grands chefs qui vouent un culte aux légumes -, à préparer des plats à base de végétaux aussi travaillés que ceux à base de viandes ou de poissons.

Mais ce n'est pas du tout la norme dans un marché où le porc effiloché, la macreuse braisée et les joues de veau semblent encore être les solutions garanties pour assurer le sourire des convives.

Dommage. Une société qui gaspille trop et qui devrait s'inquiéter des moyens de production de la viande a mille bonnes raisons d'être un peu végé.

Et mille bonnes raisons de demander une meilleure cuisine végétale. C'est pourquoi je suis partie avec enthousiasme et espoir, l'autre jour, manger chez Su Shian Yuang, un restaurant végétarien qui n'essaie pas de faire semblant d'être carnivore, mais conjugue plutôt le végétal sur des thèmes taiwanais et coréens.

Installé rue Rachel, quelques portes à l'est de la rue Saint-Denis, Su Shian Yuang est aussi modeste côté déco que l'accueil est sympathique. On fait un effort pour parler français et pour expliquer les plats, même si parfois le vocabulaire manque.

De la peau de lait de soja et autres tofus fumés au thé au lait d'amande qui figurent sur le menu, ce restaurant ne semble pas, de prime abord, faire les choses comme les autres. En entrée, on opte toutefois pour des chemins connus. Des rouleaux impériaux petits et croustillants, délicatement frits, qui ne révolutionnent rien, mais exécutent leur mandat sans sourciller, et des dumplings aux légumes classiques qui auraient pu être plus chauds et plus relevés.

Par contre, belle découverte que ces rouleaux aux asperges fraîches et aux algues grillées, sortes de créations végétariennes inspirées des sushis, mais sans riz, avec des morceaux de «tranches de soja», ces protéines végétales combinant la texture rebondissante du tofu ferme et le goût un peu boisé du blé qui entre aussi dans leur composition.

Pour les plats principaux, la formule partagée se poursuit avec un copieux plat de nouilles udon, bien fermes et dodues, servies avec beaucoup de légumes sautés - chou chinois, carottes, brocoli, pousses de soja fraîches - et relevées au gingembre avec une note de sésame. Le plat, classique, est savoureux, mais nous étonne peu.

Par contre, les nouilles plus fines au poivre noir, qui arrivent sur la table dans une poêle de fonte encore crépitante, nous séduisent par leur complexité. Elles sont bien relevées, bien savoureuses et bien chaudes, un plus à ce temps-ci de l'année.

Mais même si le tofu au général Tao nous surprend agréablement sur son lit de bok choy - on a littéralement recomposé la sauce sucrée typique de ce plat américain pour en enrober de bons morceaux de tofu ferme -, c'est le Do Bao qui s'impose comme choix le plus intéressant. On y combine peaux de lait de soja - dont la texture ressemble à celle d'une omelette bien cuite - avec du brocoli, des champignons shiitake et une sauce à la tomate et au basilic. On dirait que l'Asie y retrouve l'Italie, une rencontre un peu baroque, mais ensoleillée, lumineuse, ce qui manque autrement dans cette cuisine bien faite, mais parfois, à l'image du gâteau de soleil au malt que l'on choisit au dessert, un peu trop sage et terne malgré ses bonnes intentions et ses airs aventuriers.

Su Shian Yuang: 420, rue Rachel E., Montréal, 438 380-2829

Prix : Rouleaux impériaux 3,75 $, assiette généreuse de dumplings 9,50 $, plat de nouilles udon 10,25 $... On s'en sort facilement à 20 $ par personne.

Carte de vin : On n'en sert pas. Ni de bière d'ailleurs. En revanche, la carte de thés de toutes sortes, caféinés ou pas, est intéressante. On a choisi le thé au lait d'amandes. Il y avait aussi toutes sortes de matcha au lait, thé noir à la lavande, jus de prunes fumé, etc.

Ambiance : Aucune. La musique est directement sortie d'une liste préfabriquée de type Musak revisité. La décoration est quasi inexistante. Mais le lieu accueille rapidement de nombreux végétariens enthousiastes qui remplissent l'espace de leurs rires. Niveau de bruit idéal. Juste assez.

Service : Souriant et sympathique. On aimerait parfois avoir des réponses plus précises à nos questions sur le menu.

Points positifs : Une volonté de faire de la cuisine végétarienne qui sort des sentiers battus avec des ingrédients originaux. Le tout pour pas cher du tout.

Points négatifs : Une cuisine trop frileuse malgré ses intentions. On cherche les épices, les parfums, le piquant. On pourrait aller plus loin.

On y retourne? Pas pour le moment.