L'année est à peine commencée, mais j'ai déjà eu un coup de coeur. Un délicieux et déroutant coup de coeur.

Un flash d'amour pour un restaurant chinois excentrique et moderne qui se donne des airs japonais, le KanBai, rue Sainte-Catherine Ouest, près de Saint-Mathieu. Un lieu savoureux aux allures de resto de nouilles à la mode où je me suis retrouvée par un soir frisquet pour constater que nous étions, avec mes amis, probablement les seules personnes de plus de 30 ans, les seules non asiatiques et les seules à n'avoir pratiquement aucune idée de ce que proposait le menu, les plats semblant tous plus exotiques les uns que les autres.

«Sichuan», nous a-t-on dit, alors que l'hôtesse regardait entrer une énième cohorte de jeunes étudiants aux cheveux violets dressés vers le ciel, vêtus comme s'ils sortaient d'Harajuku ou d'un autre quartier à la mode de Tokyo.

Sichuan, donc, mais oubliez le poulet du général Tao ou à l'orange. Place à l'estomac de vache, à la salade de méduse et aux champignons aux noms incompréhensibles quand on ne les appelle pas carrément «fungus».

Le bonheur, quoi.

Ou comment voyager très loin en prenant le métro jusqu'à Guy, surtout sans quitter Montréal, et en plein mois de janvier.

J'aime cette nouvelle zone où se trouve le KanBai et que l'on appelle le Nouveau Quartier chinois ou le Quartier chinois ouest. L'action s'y déroule le long de la rue Sainte-Catherine, surtout, de l'Université Concordia jusqu'aux abords de Westmount. Certaines adresses y sont médiocres, d'autres ravissantes, comme les japonais Kazu ou Imadake, ou alors les chinois Qin Hua et le Roi du wonton dans  des rues adjacentes.

KanBai est un formidable ajout aux environs, car on y mange une cuisine chinoise qui n'a rien à voir avec les dumplings du nord de la Chine, très populaires en ce moment, ni avec les dim sum cantonais qui nous ravissent depuis plusieurs années, et certainement pas avec les plats cantonais occidentalisés de jadis, façon chop suey.

Au BanKai, on est à des années-lumière du chow mein. Et à des lieues aussi des clichés sichuanais des années 80. On est dans un monde où la patte de grenouille côtoie les tripes de porc et les rognons de poulet. Et c'est tant mieux.

Fidèle à sa réputation, cette cuisine est bien piquante. La plupart des grands plats de type soupe communale servis par la maison sont couverts de piments. Mais essayez les joues de poisson au poivre de Sichuan et vous m'en donnerez des nouvelles. C'est tendre, c'est rempli de saveurs qui nous ensorcèlent le poivre de Sichuan nous gèle presque la bouche avec ses accents un peu mentholés, un peu eucalyptus et on en redemande même si on a la bouche en feu.

Mais pour se calmer les papilles, on peut toujours se réfugier du côté de la salade de méduse, froide, à peine relevée au gingembre et rafraîchie par du concombre, où les lanières de fruit de mer cèdent tendrement sous la dent comme de bonnes pâtes al dente.

Pour un plat plus traditionnel, on choisit l'agneau sauté à la fleur d'ail, piquant mais pas trop, fondant en bouche. Ou alors le chou sauté dans de l'ail et beaucoup d'huile, pour arriver à une texture moelleuse avec encore juste assez de tenue. Rarement plat végétarien n'aura été à la fois aussi simple et aussi décadent.

Vous préférez la viande? Alors choisissez les rouleaux froids de ventre de porc, enrobant coriandre, laitue et concombre, ponctués par des arachides grillées en vinaigrette. La combinaison de fraîcheur et de viande souple et savoureuse donne pratiquement l'impression d'être chez le chef David Chang à New York.

Seule déception: le gâteau de légumes frits, servis avec mayonnaise, qui goûte comme tant de croquettes, sans relief épicé ou parfumé, sans texture déroutante. Pas désagréable, mais ennuyant.

Un conseil: allez-y en groupe. À trois, voulant essayer quand même quelques plats différents, on a commandé beaucoup trop de nourriture. Pour 66$, on aurait pu nourrir deux autres personnes. Deux autres personnes bien ouvertes d'esprit, on s'entend, et capables d'affronter le piment dans ses formes les plus musclées.

KanBai

1813, Sainte-Catherine O., Montréal, 514-933-6699

Prix : Entrées entre 2 $ et 10 $, plats principaux à partager : entre 9 $ et 16 $.

Service : Très amical, souriant et efficace. Un peu court côté explications.

Ambiance : Presque uniquement des étudiants d'origine asiatique, qui y vont en groupe et rendent l'atmosphère joyeuse et sympathique.

Décor : Simple mais moderne, éclairé

Style :Restaurant chinois proposant une cuisine du Séchouan, mais qui se donne des airs japonais, avec son décor minimaliste allumé, son nom évoquant le «kampai» nippon et des détails comme des edamame en grignotine.

Plus : L'originalité et la qualité du menu rempli de découvertes savoureuses et épicées.

Moins : Certains plats sont vraiment très piquants.

On y retourne ? Absolument !