Si le vin français a ses maîtres de chai, la vodka polonaise a, elle aussi, ses goûteurs professionnels qui contrôlent et homologuent le breuvage de la distillerie à la sortie des bouteilles de l'usine.

Krystyna Gbiorczyk, responsable du contrôle de la qualité sensorielle au sein d'une usine de vodka de marque à Poznan, dans l'ouest de la Pologne, est une spécialiste du genre.

Comme tous les mois, elle a convié un panel de dégustation composé des goûteurs de l'entreprise, mais aussi de personnes d'autres services pour comparer trois échantillons, prélevés dans différentes cuves de l'une des distilleries de la marque.

Ici, fumeurs et buveurs de café n'ont pas droit de cité. Tout comme le parfum, qui pourrait modifier les propriétés olfactives de l'alcool.

Pour chacun des dégustateurs, trois verres à whisky remplis du breuvage à base de seigle préalablement chauffé ont été recouverts de cloches pour maintenir tous les arômes.

Le liquide est d'abord observé, secoué, avalé, puis jugé sur trois critères organoleptiques: la force, le goût et l'odeur.

«Ces dégustations régulières permettent de détecter les variantes trop importantes entre les différentes cuves de la distillerie, puis de les rectifier pour qu'elles se rapprochent du standard que nous recherchons», explique Danuta Maranda, une scientifique et membre du service qualité.

L'année dernière, l'entreprise a procédé à un recrutement en interne pour trouver de nouveaux talents. Sucré, salé, acide ou saveur métallisée, les participants ont dû différencier plusieurs sortes d'eau de vie, puis ranger les verres de chaque goût en fonction du degré d'alcoolisation.

Arrivée parmi les premiers au classement, Malgorzata Nowak, aujourd'hui membre de l'équipe du contrôle qualité, débouche plus de vingt bouteilles en huit heures de travail. Son premier verre, elle le teste à 6 heures du matin lorsque la production démarre.

«Je vérifie la clarté, la consistance, et bien sûr le goût. J'effectue ensuite des contrôles à peu près toutes les heures», explique-t-elle. Si ses papilles ne perçoivent rien d'anormal, la production peut commencer.

Lorsqu'elles ne participent pas aux dégustations, les blouses blanches de l'usine de Poznan s'affairent à créer les vodkas de demain. Dernièrement, Danuta Maranda a reçu une commande pour créer une liqueur aux fruits rouges à base de vodka.

Comme on crée un parfum, elle a aligné sur la paillasse de son laboratoire des dizaines d'aromates et de sirops. De la saveur douce du noyau de cerise au parfum acidulé du prunellier, en passant par les colorants à base de caramel, elle a cherché l'alchimie parfaite pendant trois mois.

«Ce qui est difficile, c'est de trouver l'harmonie entre les différents éléments, puis de les doser et les marier à la vodka que nous produisons, comme pour le bouquet d'un vin», explique-t-elle.

Il arrive que l'intuition hors norme des membres de l'équipe sensorielle soit sollicitée hors des murs de l'entreprise... dans les locaux de la police. Car malgré les techniques utilisées par les producteurs pour éviter toute copie, de nombreuses bouteilles de contrefaçon à prix cassé circulent encore sur le marché.

«L'alcool de contrefaçon est souvent composé de produits qui donnent un goût semblable à celui de la vodka, mais qui à forte dose peuvent être très dangereux, comme le méthanol, substitué à l'éthanol. Le problème est que les gens qui veulent économiser achètent cette vodka, au péril de leur santé», s'indigne Krystyna Gbiorczyk.

En 2009, quelque 250 millions de litres de vodka ont été vendus en Pologne, plaçant le spiritueux en deuxième position parmi les alcools les plus prisés, après la bière.