Prudents à cause de la crise, les Japonais boudent les bières de qualité au profit de boissons alcoolisées peu chères, poussant les brasseurs nippons à se diversifier.

Consommée dans les tavernes ou à domicile, la petite mousse blonde est très appréciée au Japon où quatre entreprises locales se partagent l'essentiel du marché.

Mais dans une période où la consommation de bière traditionnelle marque le pas, des breuvages «nouveaux genres», apparentés à la bière mais sans malt, ont le vent en poupe.

«Depuis septembre, les boissons "nouveaux genres" se vendent très bien», témoigne Naotaka Sato, vendeur au rayon alcool du supermarché Miuraya dans le quartier Iidabashi à Tokyo.

La différence de taxation, presque trois fois plus lourde pour la bière traditionnelle que pour le «nouveau genre», se répercute sur le prix moyen à la caisse: 215 yens (2,76$ CAN) pour une canette de 35 cl de bière et 140 yens (1,80$ CAN) pour sa fausse jumelle.

En progression depuis des années, les ventes des boissons «nouveaux genres» ont bondi de 13,8% l'an passé, alors que les consommateurs inquiets face à la crise économique surveillent leurs dépenses quotidiennes. Les achats de bières traditionnelles ont chuté de 6,5% et celles de «happoshu», une boisson à prix intermédiaire à faible teneur en malt, de 7,7%.

Toutes ces boissons ont un degré d'alcool comparable, compris entre 5 et 5,5%.

«"Le happoshu" avait commencé à bien se vendre après l'éclatement de la bulle financière à la fin des années 80», également en période de turbulence économique, rappelle M. Sato.

Le premier brasseur japonais Asahi a vu ses ventes de «nouveaux genres» décoller de 24% en 2008, portées par la sortie réussie de sa dernière née, l'Asahi Clear.

«J'aime les bières Yebisu et Kirin Gold, mais j'apprécie aussi l'Asahi Clear, bonne et pas chère», explique M. Manabe, un client d'une cinquantaine d'années d'un dépanneur tokyoïte.

Le phénomène va s'amplifier, selon les professionnels. Une porte-parole du groupe de boissons Suntory souligne une tendance récente des consommateurs à «acheter des produits à prix raisonnable», quitte à renoncer à l'amertume du houblon.

Pour rester bénéficiaires, les fabricants veulent concentrer leurs efforts sur leur principale marque de bière et étendre la gamme «nouveaux genres», tout en se développant par croissance externe.

Asahi veut par exemple «se développer sur d'autres marchés comme celui des boissons non-alcoolisées et l'international», explique un responsable relations publiques, Takefumi Takano. Des acquisitions à l'étranger devenues moins onéreuses grâce à la récente montée du yen.

L'entreprise a annoncé fin janvier le rachat de 20% du brasseur chinois Tsingtao, quelques semaines après avoir décidé d'acquérir Schweppes Australie, le deuxième producteur local de boissons non-alcoolisées.

Sa concurrente Kirin vient d'annoncer qu'elle allait acheter jusqu'à 49% du brasseur philippin San Miguel Brewery, qui contrôle 95% du marché local de la bière et est aussi présent en Chine, Vietnam, Indonésie et Thaïlande.

L'Océanie est devenue un terrain d'investissement privilégié pour les brasseurs nippons. Suntory vient elle aussi de finaliser le rachat de Frucor, filiale océanienne du groupe alimentaire français Danone, spécialisée dans les boissons énergétiques.