Peu d'objets universels ont fait davantage pester la population mondiale.

Le boîtier à CD en plastique existe sous la même forme (détestable) depuis un quart de siècle. Et depuis un quart de siècle, la petite patte qui fait office de pivot se brise avec une déplorable constance.

Malheureusement, ce boîtier, aussi mal foutu soit-il, est devenu ce qu'on appelle un standard. Une norme. Un incontournable.

Surnommé Jewel Box, il est apparu à peu près en même temps que le CD, en 1981, et n'a jamais été détrôné.

Pourtant, le premier spécialiste en moulage de plastique venu vous dira que cette mince patte, rattachée au boîtier sans le moindre renfort, soumise à d'importants efforts transmis par le long levier du couvercle, se rompra à la moindre torsion. Ajoutez un plastique cassant, et vous avez la recette de l'exaspération.

Pourquoi le Jewel Box a-t-il survécu? Parce qu'il était le premier, que sa machinerie a été depuis longtemps amortie, et qu'il écrase tous les autres sous le nombre. En d'autres mots, son prix est imbattable.

Un dirigeant de Zanin, important fabricant de CD établi à Montréal, se rappelle que du temps où ils étaient encore fabriqués en Amérique du Nord, ces boîtiers étaient plus solides. «Il y a cinq ou six ans, quand on a commencé l'importation, on a eu beaucoup de problèmes parce que les machines brisaient les boîtiers», évoque-t-il.

La concurrence existe, pourtant. Les emballages en carton muni d'un support en plastique qui agrippe le CD, appelés Digipak, sont résistants, élégants, faciles à manipuler.

Un seul ennui. « L'emballage de carton peut coûter de trois à quatre fois plus cher «, indique Georges Tremblay, vice-président de Dep Distribution.

Les Digipak demandent beaucoup plus de manipulations et d'opérations manuelles que les boîtiers en plastique, dont la manutention est entièrement automatisée. Ils ne peuvent donc se justifier que pour les grandes séries. Les petits tirages de 1000 ou 5000 CD sont réservés au Jewel Box. «Que tu en fasses 1000 ou 100 000, le prix du boîtier est pas mal similaire», indique le dirigeant de Zanin.

Pour le dernier CD d'Éric Lapointe, le producteur Yves-François Blanchet a fait produire en Chine 100 000 exemplaires d'un élégant boîtier en métal embossé et imprimé. «Avec son contenu, il revenait à près de 3,50 $ l'unité, confie-t-il. On est au-delà du double du coût de fabrication normal.»

L'emballage de l'emballage a aussi un rôle à jouer. Le même responsable de Zanin - décidément nostalgique - se rappelle également qu'à une certaine époque, le film qui enveloppe le boîtier était muni d'un fil rouge, qu'il suffisait de tirer pour retirer l'emballage, à la façon des paquets de cigarettes. « Mais à cause du coût - on chargeait un ou deux sous de plus pour cette mesure -, les gens l'ont abandonné. « Il faut dorénavant user de patience ou d'un outil coupant pour arracher l'obstinée pellicule. Tout n'est pas mauvais, cependant : plusieurs boîtiers de CD sont maintenant emballés dans une nouvelle pellicule de plastique biodégradable, à base végétale.

Conçu en 1996 et amélioré en 2003, le modèle Super Jewel Box, ressemble à ce que le boîtier original aurait pu et airait dû être. La patte qui sert de pivot a été élargie pour former une petite boîte creuse, solidement attachée au boîtier. Les coins du boîtier ont été arrondis, ce qui procure une prise en main plus agréable.

Les concepteurs ont même prévu un petit fermoir intégré pour le couvercle. C'est bien fait, cette petite bête-là. Mais «beaucoup plus chère», révèle Georges Tremblay.

Pour se consoler, on peut penser que tous ces désagréments disparaîtront sous peu à la faveur du téléchargement sur internet. «Le nouveau modèle d'affaires n'existe pas encore», rétorque Yves-François Blanchet. Et on n'en voit pas le bout du nez.

Métal embossé, fabrication sur mesure en Chine: il fallait produire 100 000 exemplaires pour absorber le surcoût.

Le boîtier Digipak en carton incorpore un support en plastique, collé après impression. Cette complexité empêche la complète automatisation de l'emballage.

Le couvercle du boîtier original Jewel Box pivote sur une patte mince et fragile. Le Super Jewel Box, amélioré en 2003, montre une patte élargie et renforcée et des coins arrondis. Nettement meilleur, mais plus cher.