À bas la dictature du «Finis ton assiette»! Ces implorations bien intentionnées doivent cesser, nous disent les auteures du livre Manger, un jeu d'enfant.

Avec ce deuxième ouvrage, le tandem formé par la nutritionniste Guylaine Guèvremont et la chroniqueuse et critique gastronomique de La Presse Marie-Claude Lortie passe maître dans l'art de déboulonner les grands mythes alimentaires.

>>> Vous avez une question pour la nutritionniste Guylaine Guevremont? Envoyez-la à actuel@lapresse.ca Elle essaiera de répondre au plus de questions possible sur Cyberpresse dès mercredi. Toutes les infos sur le blogue de Marie-Claude Lortie. 

À la lecture du premier, le best-seller Mangez! , de nombreux lecteurs, à la fois incrédules et jubilants, ont pensé: «Quoi? Je peux maigrir sans faire de régime?»

Manger, un jeu d'enfant pourrait provoquer un autre grand soupir de soulagement collectif, cette fois chez les parents excédés par le refus de manger ou les caprices alimentaires de leurs enfants. Oui, vous pouvez enfin arrêter de vous battre contre le sucre et même mettre un peu de beurre salé sur les légumes du petit dernier. SANS VOUS SENTIR COUPABLE!

«La bataille quotidienne avec votre enfant pour qu'il finisse son assiette (quelle que soit la quantité qu'il a mangée) peut prendre fin tout de suite. Le plaisir peut revenir à table», écrivent-elles au premier chapitre. Ouf! Nous voilà rassurée... et accrochée.

Évidemment, le chemin pour y arriver ne prend pas la forme d'une recette miracle en trois étapes. Il faudra mettre en application toutes les qualités que requiert au quotidien le rôle de parent: patience, persévérance, un savant dosage de souplesse et de fermeté et surtout, beaucoup, beaucoup de lâcher-prise. Il faudra aussi poser un regard critique sur sa propre assiette. Est-ce que je mange à ma faim ou au-delà de ma faim? Suis-je constamment au régime? Les enfants apprennent à manger par imitation. Donnons le bon exemple.

«Le livre s'adresse à tout parent qui veut que son enfant ait une relation saine avec la nourriture et avec son corps, croit Mme Guèvremont. Les gens pensent que ce n'est qu'en donnant aux enfants des aliments équilibrés qu'on acquiert des habitudes alimentaires saines. Ce n'est pas le cas. Il faut surtout permettre aux enfants de respecter leurs signaux de faim et de satiété, innés chez l'être humain. Surtout, ne les défaisons pas.»

C'est auprès de ses patients, d'«anciens enfants», que la nutritionniste a pu constater à quel point les habitudes alimentaires acquises pendant l'enfance perdurent et laissent des traces. À titre d'exemple, un enfant à qui on a toujours présenté le dessert comme une récompense (parce qu'il a bien agi ou qu'il a bien mangé) pourrait bien garder une place toute spéciale dans sa vie pour les sucreries. En l'obligeant toujours à finir ses petits pois pour avoir son gâteau, on crée non seulement une aura autour du dessert, mais on risque en plus d'inculquer à l'enfant une aversion aux petits pois!

La question de l'obésité

«Ce qui est rassurant, quand même, c'est de savoir que cet instinct-là, de vouloir s'assurer que son enfant mange assez, est naturel et documenté par les anthropologues, explique Marie-Claude Lortie. Il ne faut pas s'inquiéter de ça. Il faut néanmoins qu'il y ait un changement culturel. Contrairement à nos parents ou à nos grands-parents, nous ne vivons plus dans un monde de rareté, mais dans un monde de surabondance alimentaire, en Occident du moins.»

Ce qui nous amène à parler de la très délicate question de l'obésité chez les enfants. Selon les dernières données de Statistique Canada, qui remontent à 2004, 26% des enfants et des adolescents canadiens souffrent d'embonpoint, parmi lesquels 8% sont carrément obèses. Les auteures montrent du doigt les messages de santé publique et la pensée «diététiquement correcte» qui séparent les aliments en deux catégories: bons et mauvais. Pourtant, c'est précisément en interdisant une chose qu'on la rend attrayante. On attend toujours les effets pervers du bannissement de la malbouffe dans les écoles...

La cerise sur le gâteau

Je n'ai plus faim, qu'est-ce qu'il y a pour dessert? À cette question, tout parent serait tenté de répondre: «Mais si tu as de la place pour un dessert, tu as de la place pour le morceau de saumon que tu as laissé dans ton assiette.» Erreur. En conclusion, voici, chers parents, une délicieuse petite information dont vous vous délecterez.

Il existerait chez l'humain un phénomène appelé «rassasiement sensoriel spécifique», qui se traduit par une lassitude du goût pour un certain aliment. «Ce goût-là, j'en ai assez, mais celui-là est intéressant. C'est ce qui fait qu'on peut très bien ne pas avoir envie de terminer son plat principal, mais vouloir un dessert quand même», explique la nutritionniste.

Encore faut-il y avoir droit!

Pour en savoir plus sur l'approche antirégime de Guylaine Guèvremont et connaître l'horaire de ses prochaines conférences: www.muula.ca

 

EXTRAITS

«La bataille quotidienne avec votre enfant pour qu'il finisse son assiette (quelle que soit la quantité qu'il a mangée) peut prendre fin tout de suite. Le plaisir peut revenir à table.

«Ce que ce livre vous propose, c'est de vous expliquer pourquoi ce refus de terminer une assiette accompagné d'un J'ai plus faim, si souvent source de confrontation dans les familles, est en réalité un des messages les plus sains qui soient.» (...)

«La plupart des enfants ont une réelle affection pour le sucre. On vient au monde avec un goût inné pour la saveur sucrée, probablement parce que le lait maternel est sucré. Des chercheurs ont même constaté, en observant des bébés dans le ventre de leur mère par échographie, que dès le septième mois de la grossesse, le foetus avale plus de liquide amniotique s'il contient plus de glucose et va même jusqu'à sourire quand c'est le cas!» (...)

«Il est tout à fait normal, donc, que lorsqu'on leur dit de laisser leur enfant manger ce qu'il veut et la quantité qu'il désire, les parents aient le réflexe de protection et demandent: «Mais mon enfant mangera-t-il assez et mangera-t-il les bonnes choses?» Ce réflexe est ancré non seulement culturellement et historiquement dans nos traditions, il fait partie de nos réflexes de survie.

«Sauf que nous sommes actuellement en période de transition entre un monde de rareté et un monde de surabondance où l'instinct de survie devrait presque basculer pour nous pousser plutôt à retenir les enfants de trop manger.» (...)