Elles viennent de familles juives orthodoxes, observent le shabbat et mangent casher. Malgré l'hostilité de leur communauté, ces lesbiennes israéliennes assument leur homosexualité.

Pour la première fois, une trentaine de femmes de l'association Bat-Kol, qui abrite des lesbiennes religieuses israéliennes, ont participé cette année à la parade homosexuelle de Jérusalem.

«Nous voulions montrer notre unité, et que nous n'avions pas honte», affirme Naama, 30 ans. «Mais beaucoup d'entre nous ont encore trop peur d'être reconnues».

Car, explique la jeune femme, «être religieuse et lesbienne, c'est un conflit en soi».

À Bat Kol, explique-t-elle, «nous voulons offrir un foyer aux lesbiennes religieuses et à leurs familles, mais aussi éduquer notre société afin de parvenir à la reconnaissance et à l'acceptation des lesbiennes».

Créée en 2003, l'association est la seule qui regroupe des lesbiennes religieuses en Israël. À ses débuts, elle ne comptait qu'une dizaine de membres, qui se réunissaient au domicile de l'une ou l'autre.

«Aujourd'hui, nous sommes 150», confie Naama avec fierté.

Et d'ajouter: «Il y a dix ans, ce n'était pas comparable, on considérait que les lesbiennes n'existaient pas, on n'en parlait pas. Je ne dis pas que c'est facile aujourd'hui, mais au moins tout le monde sait que nous sommes là».

Naama a longtemps souffert du rejet de sa communauté.

«Mes parents ne m'ont pas parlé pendant longtemps. Ils avaient vraiment honte. Petit à petit, ils se sont fait à l'idée que c'était ma vie».

Et les choses ont évolué. Elle vit désormais avec sa compagne, a un enfant et voit régulièrement ses parents. «Après un très long travail», admet-elle.

«Mon père accepte de se rendre au cinéma avec mon amie et moi-même, et il arrive à dire à ses amis que sa fille est lesbienne», se félicite la jeune femme.

Noa a un profil comparable mais un quotidien plus complexe. Juive orthodoxe pratiquante de 31 ans, cette fille de rabbin, qui vit avec sa partenaire, a grandi dans le Gush Etzion, un bloc de colonies au sud de Jérusalem, habité en majorité par des religieux.

«Il y a deux ans, j'ai annoncé à mes parents que j'étais lesbienne. Ils ont eu beaucoup de mal à accepter. Ils ne sont jamais venus nous rendre visite et refusent de voir ma compagne», déplore-t-elle.

«Je ne passe pas Shabbat en famille», ajoute-t-elle avec tristesse.

«J'espère que lorsque nous aurons des enfants, ça sera différent. Cela me fait très mal de penser que mes enfants ne connaîtront jamais leurs grand-parents», lâche-t-elle dans un soupir.

Selon elle, le rejet des lesbiennes dans la communauté orthodoxe est plus «social que religieux». «C'est une affaire entre Dieu et moi. J'espère qu'Il accepte mon choix».

Pour les rabbins, le «coming-out» d'homosexuels religieux a représenté un phénomène nouveau qu'ils ont découvert à travers des forums sur internet.

«Si on m'avait parlé d'homosexualité chez les religieux il y a cinq ans, j'aurais répondu que cela n'existait pas», affirme Chaim Navon, rabbin orthodoxe à Modiin (centre).

«Grâce à internet, nous avons découvert par les questions que l'on posait aux rabbins que beaucoup de religieux, hommes et femmes, avaient des tendances homosexuelles», ajoute-t-il.

«Je n'accepte pas mais j'essaie de comprendre», dit-il.

Une démarche qui ne doit pas être aisée pour ce rabbin. L'homosexualité est en effet condamnée par la loi religieuse juive qui la qualifie «d'abomination».

«Il y a beaucoup d'interdits dans la Torah qui ne sont pas respectés. La Torah, par exemple, interdit de mélanger lait et viande. Et pourtant beaucoup de gens le font. Nous ne les haïssons pas pour autant ni ne les humilions», dit-il.

«Notre attitude envers les homosexuels ne devrait pas être différente», insiste-t-il.

Il juge toutefois que l'homosexualité est une «faiblesse» qui ne doit pas être revendiquée. «Nous sommes parfois faibles et nous devons demander le pardon de Dieu».