La nouvelle margarine «Becel Or au goût de beurre» fait l'objet d'un lancement simultané au Canada anglais, où elle s'appelle «Becel Buttery Taste».CNW

Vingt jours après le retour en grâce du jaune, la multinationale Unilever colore sa margarine et lance un produit qu'elle vend comme du beurre. Les producteurs laitiers dénoncent l'usurpation d'identité et invitent le ministère de l'Agriculture à sévir.

Le nouveau règlement sur les produits laitiers, entré en vigueur le 31 juillet, a mis fin aux contraintes de coloration de la margarine, dans un souci d'harmonisation avec le reste du continent nord-américain.

Les producteurs laitiers du Québec, qui se sont battus pendant plus de 20 ans pour différencier la margarine du beurre, ont rendu les armes. Mais ils étaient tout de même inquiets de voir les industriels de la margarine baser leurs campagnes de publicité sur un éventuel lien de parenté avec le beurre, comme cela se fait couramment aux États-Unis.

Unilever, plus grand producteur de margarine au monde, confirme leurs craintes. Dans un communiqué de presse publié hier, la compagnie annonce une grande révolution pour le Québec. «À leur réveil mercredi, les Québécois pourront s'attendre à quelque chose que la plupart d'entre eux n'ont encore jamais vu - une margarine jaune», peut-on lire.

La nouvelle margarine «Becel Or au goût de beurre» fait l'objet d'un lancement simultané au Canada anglais, où elle s'appelle «Becel Buttery Taste». L'entreprise promet «une expérience au goût de beurre unique», avec moins de gras saturés et pas de gras trans.

Margaret McKellar, chef de produit pour Becel, affirme que l'arrivée de cette margarine caméléon sur les tablettes, à peine 20 jours après l'abandon des vieilles règles, est une pure coïncidence. «Nous n'avions pas idée des changements qui allaient survenir. Nous avons même retardé le lancement pour ajouter la couleur dans les pots», souligne la représentante d'Unilever, qui se dit «très excitée d'être en jaune au Québec», une couleur que les consommateurs préfèrent.

François Dumontier, porte-parole de la Fédération des producteurs de lait du Québec, est moins enthousiaste. «On considère que Becel contrevient à la Loi sur les produits alimentaires», explique-t-il, en nous référant à l'article stipulant que le mot beurre ne peut être détourné de son sens propre. «C'est au MAPAQ (ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation) de faire appliquer sa réglementation», ajoute-t-il.

Avis juridique demandé

Au ministère, la question suscite à tout le moins des interrogations. «On a demandé un avis juridique à nos conseillers. On est dans l'attente», indique Clément Falardeau, porte-parole.

Becel a une réponse toute prête. «Notre produit est clairement identifié comme une margarine. La référence au beurre n'est pas dans le nom du produit, contrairement à ce qu'on fait au Canada anglais. C'est d'ailleurs très coûteux d'avoir un nom spécifiquement pour le Québec, mais nous respectons les lois de la province», indique Mme McKellar.

Le groupe Bergeron Thibault, seul margarinier de propriété québécoise, n'a pas encore ajouté de jaune dans ses pots, mais le fera dans les prochaines semaines. Il préfère ne pas commenter les décisions d'affaires de son concurrent, le géant américain Unilever.

Dans une entrevue accordée il y a quelques semaines au Soleil, sa présidente, Danielle Bergeron, s'inscrivait toutefois contre cette tendance à vouloir copier le beurre. «Pour moi, c'est une erreur de faire ça. Je ne considère pas la margarine comme un succédané du beurre et je ne trouve pas que ça goûte pareil», disait-elle, convaincue que les consommateurs comprennent très bien la différence.