Je vous ai déjà parlé des défis que présente le vocabulaire du vin. Du risque que ce vocabulaire appris prenne le dessus sur nos sensations: que nous nous mettions à décrire le vin de façon convenue plutôt que de nous laisser guider par ce que nous sentons et goûtons réellement.

Lorsque l'on apprend à déguster le vin, l'accent est souvent mis sur la familiarisation avec les arômes typiques des cépages ou de certaines appellations. Un sauvignon blanc sent les agrumes et l'herbe, par exemple. S'il vient de Nouvelle-Zélande, il aura aussi des arômes d'asperge ou de fruit de la passion. Le cabernet sauvignon sent le cassis, la syrah, la mûre et le poivre, le gewurztraminer, le litchi.

Mais si votre sauvignon blanc ne sent ni les agrumes ni l'herbe, est-ce un défaut? Pas du tout! Si l'on croit vraiment à la notion de terroir comme étant une représentation d'un lieu précis, comment peut-on s'attendre à ce que tous les vins d'une région aient le même profil? Les différents composants du terroir - les sols, la topographie, le microclimat, l'exposition du vignoble au soleil et son inclinaison - changent au sein d'une même appellation et peuvent être la source d'arômes et de styles différents.

Et puis, il y a le vigneron. Je crois fermement à l'inclusion de l'être humain dans l'équation. Les raisins ne se transforment pas tout seuls en vin dans la nature. Une vigne laissée à elle-même produira essentiellement des rameaux et des feuilles, et ses raisins ne seront pas très aptes à donner du bon vin. La viticulture exige de nombreux choix de la part du vigneron. Quels cépages planter? À quelle densité? Avec quelle orientation? Comment tailler la vigne? Quand récolter? Et les choix continuent au chai. Comment vinifier? À quelle température? Dans quel type de contenants? Avec un élevage en fûts ou non? Un vigneron peut travailler de la façon la plus naturelle possible, il a toujours des choix à faire, et ces choix influenceront le style de vin produit. Un vin, c'est l'expression d'un terroir, interprétée par un vigneron.

Et il n'y a pas une seule façon d'interpréter un terroir. Heureusement! C'est cette grande diversité du vin qui le rend si fascinant. Il est utile, dans l'apprentissage de la dégustation, de connaître le b.a.-ba des arômes variétaux: les arômes typiques de chaque cépage. Mais tout comme il ne faut pas les laisser prendre le dessus sur nos sensations, il ne faut pas non plus les considérer comme essentiels à la qualité d'un vin.

C'est une question qui est très débattue, parce que la typicité fait partie du système d'agrément pour les appellations d'origine dans plusieurs pays. Les vins sont goûtés par un panel de dégustation, qui peut les rejeter pour manque de typicité.

Rejeter un vin parce qu'il présente des défauts est une bonne chose, mais parce qu'il ne se conforme pas à un modèle établi? Cela peut avoir la vilaine conséquence de niveler la qualité vers le bas, en favorisant les plus petits dénominateurs communs. Ça risque aussi de freiner l'expérimentation ou, pire encore, la recherche d'excellence.

Tant que les vins sont libres de défauts, et ces défauts se mesurent, ils ne sont pas subjectifs, peut-on laisser un peu plus de place à la libre expression? Comme le disait récemment la très respectée journaliste britannique Jancis Robinson: «La qualité est bien plus importante que la conformité [...] et je serais triste de voir des vins formidables vendus sans identité géographique seulement parce qu'ils ne sont pas conventionnels.»

Sages paroles.

Cinq vins pour le printempsParés Baltà Cava Brut

De cet excellent producteur bio, un cava frais comme le printemps qui vous mettra le sourire aux lèvres. Sec, avec des arômes de pomme et de fleurs blanches, frais et croquant, simple, mais franc et délicieux. Un excellent rapport qualité-prix, parfait pour l'apéro, avec des canapés cheddar et pomme verte, des sushis ou des crevettes en tempura. Ou juste pour se faire plaisir!

16,75 $ (10896365), 11,5 %

Roederer Estate Brut Rosé Anderson Valley

Plus cher, mais aussi d'un très bon rapport qualité-prix. Comme le vin blanc mousseux de la maison, ce rosé offre plus de complexité et de profondeur que de nombreux champagnes pas mal plus chers. Pas du tout un style bonbon, fruité ou léger, ce vin fait preuve d'ampleur en bouche et d'une matière mûre, aux accents de fruits rouges et d'épices. À tel point que je le verrais beaucoup plus à table qu'à l'apéro. Avec un saumon grillé, un risotto aux champignons, mais aussi un magret de canard aux griottes ou un gigot d'agneau aux herbes.

43,50 $ (12998904), 12,5 %

Photo fournie par la SAQ

Parés Baltà Cava Brut

Dopff & Irion Cuvée René Dopff Sylvaner Alsace 2016

Toujours d'un bon rapport qualité-prix, ce vin me semble encore meilleur en 2016. Un très joli nez, fin et discret, et très printanier avec ses arômes de fleurs de pommier et de muguet, de poire. Un tout petit peu de sucre résiduel (4,4 g) lui apporte une certaine rondeur en bouche, mais il est essentiellement sec et frais, avec un caractère tonique et une légère impression minérale en finale. Vraiment très bien à ce prix! Pour l'apéro, ou avec des poissons et fruits de mer préparés en toute simplicité.

13,95 $ (13190018), 12,5 %

Juan Gil Moscatel sec Jumilla 2016

Impossible de parler de vins printaniers sans parler de muscat ! Pour moi, ce cépage incarne le début de la belle saison. Jamais très complexe, du moins lorsque vinifié en sec, il est par contre intensément aromatique. Celui-ci, d'Espagne, offre des arômes de raisin frais et de fleur d'oranger. Sec, léger et plutôt souple, il est tout indiqué pour les premiers apéros dehors. Vous savez, quand on déblaie la neige pour se faire une petite place au soleil afin de profiter des rayons qui commencent tout doucement à se réchauffer.

17,30 $ (12560638), 13,5 %

Errazuriz Cabernet Sauvignon Aconcagua Alto 2015

Un cabernet sauvignon du Chili n'est peut-être pas le premier vin qui vient à l'esprit quand on parle de vins printaniers. Mais en ce qui me concerne, dès que le temps se réchauffe un brin, il me prend des envies de barbecue! Cette importante maison chilienne a toujours proposé des vins bien faits et à prix juste. Très chilien, par son caractère aromatique et ses notes de liqueur de cassis, ce cabernet sauvignon fait aussi preuve de complexité avec des notes de tabac, de cigare, de feuille de tomate et de cèdre. D'une très bonne tenue en bouche, il est mûr et intense, mais affiche aussi une certaine retenue et de la finesse. Très sec, avec un boisé bien dosé et des tanins bien présents, mais mûrs, il est franchement savoureux et sera le compagnon idéal d'une côte de boeuf au barbecue, ou de votre gigot pascal.

20,65 $ (13394766), 14 %

Photo fournie par la SAQ

Dopff & Irion Cuvée René Dopff Sylvaner Alsace 2016