«Quoi? Du mousseux bouchonné?» Chaque fois que j'ouvre une bouteille de vin effervescent et qu'elle est bouchonnée, j'ai droit à la même réaction. Il y a toujours quelqu'un qui en est surpris.

Le coupable est un composé nommé 2,4,6-trichloroanisole, ou TCA pour les intimes. Il se développe à partir de champignons naturellement présents dans le liège. On a longtemps cru que c'était le chlore utilisé pour nettoyer le liège qui favorisait la formation du TCA, mais on l'a depuis remplacé et le problème persiste. Des chercheurs ont même identifié du TCA directement à la source: dans les arbres, des chênes-lièges, au Portugal, qui reste encore aujourd'hui le plus important producteur de liège au monde.

C'est donc dire que pour le liège, le TCA est un problème endémique. Et il peut toucher toutes les bouteilles fermées avec du liège, vins mousseux et porto compris. Par contre, il est beaucoup moins fréquent aujourd'hui qu'il ne l'était auparavant.

Jusque dans les années 90, le taux de bouteilles de vin bouchonnées était effarant. Avec la montée en popularité du vin, la croissance rapide de la production et de la consommation dans plusieurs marchés, il y a eu une forte augmentation de la demande pour les bouchons de liège. L'augmentation rapide de la production a vu la qualité chuter. Surtout qu'il n'y avait aucune concurrence! L'industrie du liège affirmait que le taux de défectuosité des bouchons était de l'ordre de 3 à 5 %, mais il était en réalité d'au moins 10 %, voire 15 %.

D'autres options

C'est avec l'arrivée de nouveaux modes d'obturation, les bouchons synthétiques et les capsules à vis, que les producteurs de bouchons de liège ont finalement fait les efforts pour rectifier la situation. Évidemment, quand on se met à perdre d'énormes parts de marché... Aujourd'hui, la qualité des bouchons de liège a énormément progressé, et le taux de défectuosité est beaucoup plus acceptable, autour de 2 % ou 3 %.

Un bouchon de liège contaminé par du TCA finira par contaminer le vin dans la bouteille. Le niveau de contamination peut varier énormément. Un vin très bouchonné sera facilement identifiable. Même une personne qui ne connaît pas bien cette odeur comprendra que quelque chose ne va pas. 

Il n'y aura aucun arôme agréable, de fruits, de fleurs ou d'épices, mais plutôt des odeurs qui rappellent une vieille cave humide, du carton mouillé, une odeur de moisi, de renfermé. 

Pas une odeur animale désagréable, qui rappelle l'écurie, le fumier; ça, c'est autre chose. Pas non plus des arômes boisés. J'en vois déjà qui roulent les yeux... mais beaucoup de consommateurs confondent encore les arômes de bois et de bouchon! Les barriques de bois apportent aux vins des arômes de bois, pas de moisi. Des arômes de torréfaction, de café ou de chocolat, de pain grillé, de caramel, de vanille, d'épices tel le girofle.

Mais à toute petite dose, et c'est là que c'est le plus sournois, le TCA ne fera que masquer les arômes du vin. Le vin semblera terne, neutre, dénué de tout éclat. La finale sera très courte, les saveurs disparaîtront de façon abrupte. Quelqu'un qui y goûtera sans connaître le vin risque simplement de le trouver sans intérêt et décidera de ne plus jamais en acheter. Dur, dur pour le vigneron...

Aérer et sentir

Si on a une deuxième bouteille, on peut l'ouvrir pour comparer. Mais c'est rarement le cas. Avant de déclarer que le vin est ordinaire, de rejeter du revers de la main ce qui représente toute une année de travail pour un vigneron, laissez la bouteille ouverte un certain temps, jusqu'à quelques heures, et goûtez-y de nouveau: l'odeur de vin bouchonné s'accentue à l'aération. Vous saurez alors si le vin est vraiment quelconque ou s'il est en fait défectueux.

Est-ce utile de sentir le bouchon? J'ai longtemps cru que non, parce que ça ne servait à rien, parce que le liège sent... le liège. Mais ça peut être un bon indicateur. Tout comme avec le vin, le bouchon peut être légèrement ou très marqué par le TCA. Lorsqu'une odeur de moisi se dégage du bouchon, il y a lieu d'être inquiet. Parfois, il ne sent que très peu, ce qui peut nous prévenir d'être vigilant.

Si vous avez la chance d'ouvrir de vieilles bouteilles, vous remarquerez que le miroir du bouchon, la partie en contact avec le vin, peut avoir des arômes merveilleux, parfois aussi envoûtants que ceux du vin. Entre ça et un bouchon contaminé par le TCA, il y a un monde de différence!

Par contre, des morceaux de bouchon qui flottent dans le vin n'indiquent pas qu'il est bouchonné! Simplement que la bouteille n'a pas été ouverte avec le plus grand soin. Ça arrive quand on enfonce trop loin la vrille du tire-bouchon et qu'elle perce le bouchon.

Un vin bouchonné ne présente aucun risque pour la santé. Par contre, faites-vous plaisir, ne le buvez pas! Nous avons la chance de pouvoir retourner les vins défectueux à la SAQ. C'est loin d'être ainsi dans tous les marchés!

Et surtout, s'il n'est pas bon à boire, il n'est pas bon pour cuisiner! Vous vous donnez du mal à préparer un bon plat, à choisir des ingrédients de qualité, n'allez pas utiliser un vin bouchonné qui risque de lui transmettre son goût désagréable.

Quatre vins à découvrir

Louis Moreau Petit Chablis 2015, 12 %

Très belle expression de Chablis! Aussi bon, sinon meilleur, que d'autres vins d'appellation Chablis (les vins Petit Chablis proviennent d'une zone beaucoup plus étendue et de terroirs moins propices, donnant souvent des vins très simples). Un nez tout en retenue avec des arômes d'agrumes, de pomme verte, de saumure et ces notes lactiques typiques du Chablis, qui me rappelle la croûte de camembert. La bouche est tout en fraîcheur, droite, savoureuse, avec un fruit juteux et d'une très bonne tenue. Très beau vin de Chablis, très classique, et tout indiqué pour les huîtres!

22,55 $ (11035479)

Chardonnay Willamette Valley 2015, Domaine Loubejac, 12,9 %

Surprenant et délicieux chardonnay de l'Oregon! Beaucoup de finesse, des arômes tout en retenue de pêche blanche, de poire, d'agrumes, une bouche fraîche et fine avec un joli gras, même une certaine minéralité. Sec et sans présence perceptible de bois, très Vieux Monde dans sa facture. Il en reste peu, mais c'est assurément un nom à suivre!

24,30 $ (13003201)

Photo fournie par la SAQ

Louis Moreau Petit Chablis 2015, 22,55 $ (11035479) 12 %

Illuminati Riparosso Montepulciano d'Abruzzo 2015, 13,5 %

Le montepulciano est le deuxième cépage rouge en importance en Italie, après le sangiovese. À ne pas confondre avec la ville de Montepulciano en Toscane, où est produit le Vino Nobile di Montepulciano, à base de sangiovese. Surtout cultivé en Italie centrale, en particulier dans les Abruzzes, il peut donner des vins très ordinaires lorsque cultivé à fort rendement, mais aussi de grands vins dans les meilleurs sites. Voici une très belle introduction au cépage, à prix très raisonnable: du fruit noir, frais et en confiture, avec quelques notes d'anis; en bouche, c'est très sec, riche, gorgé de fruit très mûr, avec juste assez de tanins fermes pour donner de la structure à l'ensemble. Un chaleureux vin d'automne pour accompagner des viandes braisées.

14,80 $ (10669787) 

Fontanafredda Barolo 2011, 14 % 

À Barolo, c'est le cépage nebbiolo qui règne et compose la totalité de toutes les cuvées. Fontanafredda présente un très bon 2011, d'un excellent rapport qualité-prix (les prix du Barolo démarrent habituellement autour de 50 $). Des arômes bien typés de terre fraîche, de feuilles de tabac et de thé, de fraise et de fleurs séchées. Issu d'un millésime chaud, il offre une bouche presque suave, avec les tanins très présents et fermes du cépage, mais mûrs et enrobés. Complexe, très savoureux et d'un équilibre irréprochable. Se bonifiera sur au moins 8 à 10 ans, voire beaucoup plus. Pour en profiter maintenant, passez-le en carafe et servez-le avec un boeuf braisé aux carottes, ou une pièce de viande rouge saignante avec champignons sauvages ou betteraves.

29,95 $  (20214)

Photo fournie par la SAQ

Illuminati Riparosso Montepulciano d'Abruzzo 2015, 14,80 $ (10669787) 13,5 %