Près de 5000 négociants, producteurs et journalistes étaient réunis à Bordeaux en avril pour juger les grands crus du millésime 2011. Un exercice difficile, car ni l'élevage en barrique ni l'assemblage ne sont terminés. Notre collaboratrice Karyne Duplessis-Piché s'est rendue sur place pour déguster près de 200 cuvées. Elle vous suggère les meilleurs achats à effectuer en primeur au Québec.

Les experts sont unanimes: la plupart des cuvées 2011 à Bordeaux ne sont pas à la hauteur de celles de 2009 et en 2010. Ils croient cependant que les acheteurs réaliseront de bonnes affaires. Car ce millésime jugé «plus classique» apporte avec lui une baisse de prix.

Les millésimes 2009 et 2010 à Bordeaux ont été encensés par les critiques. Et leurs commentaires avaient fait exploser le prix des cuvées. En 2008, une bouteille de Pétrus se détaillait au Québec 795$ en primeur. Pour l'année suivante, il fallait débourser près du double, soit 1495$. Pour un 2010, il fallait encore ajouter 200$ à ce montant.

Depuis la dernière vendange, la bulle spéculative se dégonfle un peu à Bordeaux. Les conditions météorologiques ont nui aux récoltes de 2011. Dès lors, la qualité des cuvées a été jugée inégale par les experts qui ont suggéré une chute des prix.

Selon Raoul Salama, journaliste pour la Revue du vin de France, la plupart des producteurs ont baissé leurs prix, en moyenne de 30%.

De bonnes affaires

La sommelière québécoise Jessica Harnois croit que cette baisse de prix profitera aux amateurs. Car la spécialiste estime qu'«il y a des bonnes affaires à faire en 2011».

Lors de la dégustation des primeurs en avril, elle a été séduite par les vins de la rive droite, en particulier ceux de Saint-Émilion. Car les vignes plantées sur des sols plus argileux ont su mieux s'adapter à la sécheresse du début de l'été.

Le critique américain Robert Whitley a lui aussi été surpris lors de cette dégustation. Il a quant à lui surtout apprécié les Margaux et les Pomerol.

«Le 2011 semble moins bon tout simplement parce qu'il arrive après 2009 et 2010, constate le journaliste spécialisé qui déguste les primeurs depuis plus de 20 ans. Mais c'est un millésime bordelais classique, avec beaucoup de tannins.»

Jessica Harnois se rappelle cependant avoir été déçue par les Saint-Estèphe, dont les vignes ont été massivement grêlées l'an dernier.

Quant aux blancs, Raoul Salama estime qu'ils sont plus homogènes que les rouges. Il dit avoir également apprécié les liquoreux.

Une moins longue garde

Mais selon M. Salama, les cuvées 2011 n'ont pas la structure pour séjourner plusieurs décennies en cave. Il conseille de les ouvrir d'ici cinq à 15 ans.

«Ce sont des vins qui sont assez tanniques, constate-t-il. Certains vins risquent même de sécher, parce qu'ils n'ont pas beaucoup de gras pour les équilibrer. Il va falloir les ouvrir plus tôt.»

C'est aussi le constat de Jessica Harnois. La sommelière, connue pour son expertise des vins de garde, compare les cuvées 2011 à celles de 2006, un millésime déjà agréable à boire. Elle juge positif que cette garde de certains grands crus soit plus courte qu'à l'habitude.

«Ça fait du bien d'avoir un millésime qui va être prêt à boire plus rapidement que les autres, dit-elle. Ça permet d'effectuer une rotation dans sa cave.» Elle recommande de déguster les 2011 d'ici cinq à huit ans.

Faut-il acheter?

Jessica Harnois évalue que la plupart des grands crus de Bordeaux en 2011 prendront peu de valeur. Elle suggère aux investisseurs d'acquérir les premiers grands crus classés des châteaux de grande renommée ou certains Sauternes. Car ces bouteilles sont toujours très convoitées par les collectionneurs.

Raoul Salama conseille quant à lui aux amateurs de ne pas dépenser des fortunes pour les primeurs 2011. Il croit que leurs prix seront sensiblement les mêmes lorsqu'ils seront sur les tablettes, dans deux ou trois ans.