Tout, d'une certaine façon, est contradictoire en ce qui regarde le champagne...

La plus frappante de ces contradictions est la différence, ahurissante, entre le vin de base, c'est-à-dire tranquille, non effervescent, et le champagne qui en résultera.

Plutôt neutre, rappelant les vins blancs, disons, de Trebbiano (Italie) ou d'Ugni blanc, le vin de base se sera transformé, dans le meilleur des cas, en un vin effervescent subtil, aux arômes nuancés, souvent relevé de notes briochées ou, comme on dit également, de pain grillé.

Avec une bouche tout aussi complexe, éminemment séduisante, et puis, souvent, d'une longueur (le temps que le goût persiste une fois le vin avalé... ou craché) remarquable.

Que s'est-il passé?

Le phénomène clé, comme le savent les amoureux du champagne, est bien sûr la seconde fermentation en bouteilles, ou prise de mousse.

Car une fois le vin de base mis en bouteilles, on y ajoute la liqueur de tirage - mélange de vin, de sucre et de levures -, on bouche la bouteille avec une capsule de métal (comme pour les boissons gazeuses) et... on couche la bouteille. Laquelle restera au moins 15 mois dans cette position dans le cas des champagnes non millésimés, et d'au moins trois ans pour ce qui est des champagnes millésimés.

C'est ainsi que le miracle se produit!

Le vin fermente de nouveau, la mousse se forme grâce à l'apport de gaz carbonique, les arômes se complexifient, la lie nourrit le champagne naissant...

Autre phénomène d'enrichissement: dans le cas des bruts non millésimés, on ajoute au vin de l'année des vins dits de réserve, de millésimes antérieurs, d'ordinaire entre 30 et 40% du volume total, lesquels permettent de reproduire le style maison année après année.

Exemple, Roederer, qui dispose de 150 foudres de vins de réserve, dont les plus âgés sont du millésime 2000.

«Les vins de réserve nous permettent de lisser les choses», expliquait ainsi, sur place, tout récemment, Jean-Marc Lallier-Deutz, de la maison champenoise Deutz.

Il ajoutait (et c'est vrai!): «On apprend le champagne, comme on apprend une langue.»

Comptant parmi les cuvées prestige les plus réputées, le Cristal 2011 Roederer, goûté chez Roederer même et qui a été mis en bouteille avec sa liqueur de tirage lundi dernier, est ainsi un vin pour l'instant plutôt neutre, passablement acide, et qui se transformera pour le mieux au cours de son séjour de six ou sept ans sur lattes, en position couchée...

À noter enfin qu'on ajoute au champagne, celui-ci prêt à être commercialisé, ce qu'on appelle la liqueur d'expédition (un mélange de vin et de sucre), qui permet d'en atténuer l'acidité naturellement élevée, la Champagne étant le vignoble le plus septentrional de France. C'est le dosage dont le niveau tend maintenant à diminuer, à cause du réchauffement climatique (les raisins sont plus mûrs) mais aussi de la demande, et qui se situe à environ 9 à 11 g de sucre par litre, contre un peu plus auparavant.

Mais, bien sûr, et comme tous les vins qui connaissent le succès, le champagne est cher... surtout au Québec.

Deux champagnes

Roederer Brut Premier, 66,50$ (268771), ***1/2,$$$$1/2, 2012-2014?

Ce champagne non millésimé, aux bulles fines, au bouquet séduisant, charmeur et dénué de notes rancio (des nuances d'origine oxydative), compte parmi les valeurs sûres du répertoire général. Vin de corps moyen, élégant, huit millésimes entrent dans l'assemblage. 40% Pinot noir, 40% Chardonnay et 20% Pinot Meunier. 12,5% (288 caisses).

Brut Classic Deutz, 57,25$ (10654770), ***,$$$$1/2, 2012-2014?

Maison qui dit rechercher «la finesse, l'élégance, la pureté», Deutz en donne un bon exemple avec ce vin non millésimé. Délicat, son bouquet est net, avec du fruit, et la bouche suit, peu corsée, donnant à croire qu'il n'y entre que du Chardonnay, ce qui n'est pas le cas, les trois cépages dominants de la Champagne (Chardonnay, Pinot Meunier et Pinot noir) y étant présents à parts égales. 12,5% (61 caisses).

Deux vins rouges

Brouilly 2010 Château de Pierreux, 20,10$ (10754421), ***,$$1/2, 2012-2013.

Beaujolais d'une couleur assez soutenue, au bouquet de petits fruits rouges et légèrement épicé (le bois), ce vin étant élevé en foudres. Un peu plus que moyennement corsé comme beaujolais, il a de l'éclat, et ses tannins, qu'arrondit l'élevage en foudres, sont veloutés. Très bon. 12,5% (146 caisses).

Crozes-Hermitage 2010 Domaine Combier, 30,75$ (11154890), ***1/2,$$$1/2, 2012-2015.

Très beau vin de Syrah, bien typé, aux arômes de fruits noirs et d'olives noires, de corps moyen, aux tannins de qualité, et tout à fait équilibré. Élevage en fûts. Impeccable. 12,5% (69 caisses).

La recommandation de la semaine

Bourgogne Hautes-Côtes-de-Beaune 2010 Clos de la Chaise Dieu

Vin blanc de Chardonnay, assez peu coloré, et d'un grand millésime pour la Bourgogne, son beau bouquet, franc, quoique peu complexe, est légèrement boisé. Tout au plus moyennement corsé, équilibré, il n'est pas sans rappeler le chablis. Savoureux. 60% de ce vin est vinifié en fûts et élevé sur ses lies. Très bon. 13% (510 caisses).

Les frais de transport et d'hébergement de ce voyage ont été payés par un regroupement de producteurs de Champagne et de Bourgogne.