Comme le détaille avec expertise, et plaisir senti, mon collègue Robert Beauchemin dans les pages précédentes, la cuisson lente en cocotte génère une synergie unique de parfums (donc de molécules volatiles) entre les arômes du plat que vous y cuisinez et les composés aromatiques imprégnés des autres recettes qui y ont été cuisinées auparavant. Ces réceptacles ancestraux de cuisson sont en quelque sorte porteurs d'une « mémoire moléculaire ».

C'est justement cette synergie du présent et du passé aromatique qui confère des parfums pénétrants à la cuisine que l'on y concocte. Pour l'amateur de vin, c'est la première chose à prendre en compte. Qui dit recette

en cocotte dit vin plus que parfumé, possédant une grande présence de bouche.

De plus, comme les recettes qui y sont fignolées sont à tout coup cuites longuement, à feu doux, il en résulte des plats encore plus savoureux, riches en molécules sapides d'une longueur inouïe. On pourrait presque dire, même si ce n'est pas toujours le cas, que les plats mitonnés en cocotte sont l'expression parfaite de la cinquième saveur qu'est l'umami ! Ce terme japonais se traduit, entre autres, par les mots « présence » et « savoureux ». Ce à quoi tendent les plats en cocotte.

Enfin, une fois que l'on a saisi qu'il nous faut des vins qui ont une forte personnalité, on peaufine notre choix final en analysant les aliments dominants qui y sont cuits. Est-ce qu'une herbe domine ? Ou est-ce plutôt un jus de cuisson parfumé au pastis ou au porto ? Il faut trouver le ou les ingrédients qui signent plus que tout autre le profil aromatique. Une fois dénichée, cette piste aromatique nous ouvre la voie vers le type de vin requis pour entrer en synergie avec la mémoire aromatique de ce nouveau plat et ainsi venir titiller notre mémoire olfactive. De l'émotion en cocotte ! Vous trouverez ci-dessous mon choix de vins pour accompagner les recettes proposées dans ce spécial « cocotte » - pas des vins pour les « cocottes »... mais bel et bien pour les plats cuisinés en cocotte !

François Chartier est l'auteur du guide des vins La sélection Chartier 2011 et du livre Les recettes de Papilles et Molécules (éditions La Presse). Suivez-le sur facebook.com/papillesetmolecules





Vins pour recettes cuisinées en cocotte

Flanc de porc glacé à l'orange

Chardonnay Alamos 2009

Mendoza, Bodegas Esmeralda, Argentine

15,15 $ (467969) **1/2  $1/2 MODÉRÉ+

Pour notre recette de braisé lent de flanc de porc glacé à l'orange, la piste harmonique est donnée par la saveur pénétrante de la viande cuite plus ou moins cinq heures, ainsi que par les parfums de l'orange et du laurier (d'ailleurs, je vous propose une solution de rechange au laurier, en le remplaçant par des graines de coriandre, qui sont de la même famille aromatique que l'orange). Il vous faut donc un vin, blanc ou rouge, marqué par les parfums de la barrique, qui sont de la même famille que la viande de porc, ainsi que par les composés cousins à l'orange. Un chardonnay argentin est tout indiqué. Aromatique et éclatant, aux tonalités de pêche, de beurre, de noisette, d'amande grillée, de vanille et de noix de coco grillée, l'Alamos se montre ample et très frais à la fois, texturé et élancé, harmonieux et zesté, avec une longue finale de fleur d'oranger! Parfait pour ce plat de viande mijoté, à condition de ne pas servir le vin trop froid.

Montecillo « Crianza » 2007

Rioja, Bodegas Montecillo, Espagne

17,70 $ (144493) **1/2  $1/2 MODÉRÉ+

Vous préférez servir un rouge avec notre braisé de flanc de porc ? Optez alors pour un vin ensoleillé, aux tanins chauds et élevés en barriques de chêne. Ce à quoi répond ce rioja à prix doux. Difficile d'être plus rioja que ça ! Épicé et torréfié à fond, avec des relents passablement riches de girofle, de café et de créosote, quasi balsamique. Bonne présence en bouche, aux tanins d'une certaine fermeté juvénile, mais enrobés par une matière fruitée et généreuse, aux saveurs longues et tout aussi épicées et torréfiées. Marqué par les notes de la famille des lactones, provenant de l'élevage en fûts, qui trouvent écho dans les lactones de la viande de porc. Un bon coup de carafe et hop ! dans les verres.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Montecillo «Crianza» 2007

Coda alla Vaccinara

Château Saint Cyprien 2006

Mornag, Château la Reine Elissa, Tunisie

12 $ (11097557) ** $ MODÉRÉ+

Pour la Coda alla Vaccinara, qui est une soupe de fèves à la romaine avec de la pancetta, du girofle, de la cannelle et du laurier, il faut voguer vers un rouge du Midi, marqué à la fois par les épices et par les parfums de la garrigue. Qu'il soit du Languedoc, de Sardaigne, du Liban ou de Tunisie comme cet assemblage à base de syrah et de cabernet. Il se montre étonnamment coloré, aromatique et nourri pour le prix demandé. On est loin de la rusticité des vins tunisiens d'autrefois. Le profil est plutôt moderne, gorgé de fruits, sans trop, dodu et généreux. Poivre, herbes de Provence et fruits rouges signent ce beau et abordable vin à l'accent du Midi.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Château Saint Cyprien 2006

Tomates confites aux épices et à l'eau de rose

Pinot noir Les Ursulines 2006

Bourgogne, Jean-Claude Boisset, France

24,20 $ (11008121) *** $ $ MODÉRÉ+

Enfin, pour la recette de tomates confites, il faut ici partir sur la piste harmonique donnée par la cannelle et l'eau de rose, dont les composés volatils s'entrecroisent avec ceux de certains crus de pinot noir. Ce qui est le cas de ce très beau pinot, richement aromatique, sans esbroufe, sur les fruits rouges, la cannelle et la muscade, avec une tonalité de zeste d'orange et une touche rappelant la feuille de tomate fraîche. Bouche élancée et sapide, digeste et aérienne, aux saveurs expressives et longues, rappelant la rose séchée, aux tanins ultrafins et au corps presque éthéré ! Du plaisir, rien que du plaisir.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Pinot noir Les Ursulines 2006