Ayant traversé plus d'un siècle d'histoire, Tsingtao s'est imposé comme la marque de bière chinoise la plus connue mondialement, mais le brasseur emblématique, désormais en partie détenu par des capitaux japonais, doit affronter une concurrence accrue sur un marché intérieur gigantesque.

La brasserie historique fut fondée en 1903 par des colons allemands dans la ville portuaire de Qingdao, qui s'écrit «Tsingtao» selon la romanisation de l'École française d'Extrême-Orient (EFEO), un système de transcription phonétique du chinois tombé en désuétude.

L'usine, à laquelle est accolé un musée, se visite.

«La bière Tsingtao est devenue une grande marque internationale», se félicite sur place Xiao Shengxiong, un touriste venu du centre du pays avec sa famille et des collègues. Il confesse être lui-même un fervent consommateur de bière blonde Tsingtao.

Mais la réputation flatteuse de Tsingtao échoue à se traduire par une domination d'un marché chinois devenu le premier du monde en volume, tout en demeurant très compartimenté.

Tsingtao n'a que 17% de parts de marché en Chine, en deuxième position derrière la marque Snow. Celle-ci est en partie possédée par la multinationale SABMiller, par ailleurs propriétaire des marques Pilsner Urquell, Peroni et Grolsch.

La Tsingtao bousculée dans son fief

Le week-end dernier s'est achevée la Fête de la bière de Qingdao, un événement inspiré de la Fête de la bière de Munich.

À l'origine, dans la ville balnéaire connue pour avoir gardé des édifices de l'époque coloniale, la bière Tsingtao était réservée aux étrangers, et surtout aux Allemands.

Mais là encore, même dans son fief, la Tsingtao ne règne pas seule: le brasseur danois Carlsberg et la marque américaine Budweiser - commercialisée par le numéro un mondial de la bière Anheuser-Busch Inbev - avaient installé d'immenses tentes pour l'occasion.

Les grands brasseurs du monde entier convoitent le marché chinois, très prometteur, et s'y implantent, suscitant une concurrence «particulièrement féroce» avec les acteurs nationaux, souligne Sunny Kwok, analyste chez Guotai Junan Securities à Hong Kong.

À l'opposé, les marques nationales occupent souvent des bastions régionaux, explique-t-il. «Il est très dur pour leurs concurrents de s'y tailler la part du lion».

Tsingtao a enregistré des bénéfices de 1,97 milliard de yuans (244 millions d'euros) l'an dernier.

À l'international, la société n'a été autorisée à exporter qu'à partir de 1954. Aujourd'hui Tsingtao, firme cotée à Hong Kong et Shanghai, vend ses canettes et bouteilles de bière dans plus de 80 pays.

Investisseurs nippons

En Chine, elle doit compter pour son développement sur ses investisseurs japonais: depuis cinq ans le producteur de boissons Asahi détient une part de 20% dans Tsingtao, tandis que le groupe de spiritueux Suntory Holdings, qui produit aussi de la bière, des boissons non alcoolisées et des articles alimentaires, a monté une coentreprise avec Tsingtao pour s'attaquer au marché de l'est de la Chine.

Le climat actuellement exécrable entre la Chine et le Japon, et les controverses réactivées liées aux humiliations de l'Histoire - le port de Qingdao fut occupé par les troupes japonaises en 1914 et la brasserie Tsingtao un temps propriété d'une marque japonaise -, n'aident certainement pas à ce développement nécessaire.

Au moins Tsingtao peut tenter de jouer de la notoriété de sa marque pour se hisser au-dessus de la mêlée, estime Jeremy Yeo, un expert chez Mizuho Securities à Hong Kong.

«La question clé est de savoir s'ils peuvent se permettre, en s'appuyant sur leur marque, de demander à la clientèle de payer davantage pour une bière», résume-t-il.

D'une façon plus générale, l'optimisme est de mise pour les brasseurs et les marchands de bière établis en Chine.

Le marché «ne peut qu'augmenter», se réjouit ainsi Wei Deling, un vendeur en gros qui s'est installé près du musée de la bière de Qingdao.