Le Québec peut «dormir tranquille» dans la nouvelle dispute commerciale qui se dessine entre le Canada et les États-Unis entourant la vente de vins canadiens, croit une experte du droit commercial.

Après une première salve en janvier, Washington vient de déposer une autre plainte contre le Canada devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), alléguant que les mesures adoptées en 2015 par la Colombie-Britannique qui autorisent ses vignerons à vendre leurs produits dans les épiceries contreviennent aux règles du commerce international.

«Ces mesures (...) établissent une discrimination à l'encontre du vin importé en autorisant uniquement la vente de vins de Colombie-Britannique dans les rayons ordinaires des magasins d'alimentation», fait valoir la demande déposée auprès du tribunal international.

Selon les États-Unis, un «accès exclusif» des vins britanno-colombiens sur les tablettes des épiceries depuis 2015 brime les produits américains, qui se retrouvent ailleurs dans les magasins. Une fenêtre de 60 jours s'ouvre avant que le demandeur puisse réclamer la formation d'un comité qui se penchera sur la question.

La première plainte avait été déposée en janvier par l'administration Obama, quelques jours seulement avant l'arrivée du républicain Donald Trump à la Maison-Blanche.

D'après Geneviève Dufour, professeure à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, le Québec pourrait également faire l'objet d'une plainte de la part d'un membre de l'OMC en raison des assouplissements permettant aux vins québécois de se retrouver dans les quelque 8000 supermarchés de la province sans transiter par la Société des alcools du Québec (SAQ).

«Est-ce qu'un pays va perdre son temps à faire cela? Ce n'est pas évident à dire. Sur les quelque 220 millions de bouteilles vendues dans la province, le vin québécois ne représente qu'environ un pour cent», souligne-t-elle.

Ainsi, même si la Loi 88 est «questionnable» d'un point de vue juridique, l'experte croit que la taille de l'industrie viticole québécoise n'est tout simplement pas assez importante pour que la province soit visée auprès de l'OMC.

Mme Dufour rappelle toutefois qu'il ne faut rien écarter, étant donné que l'administration actuellement en poste à la Maison-Blanche est stricte en matière de commerce international, comme en témoignent les litiges sur le bois d'oeuvre et sur la CSeries de Bombardier.

Par contre, les États-Unis ne pourraient élargir le mandat de leur démarche actuelle, a-t-elle précisé. Si Washington souhaite s'en prendre aux règles québécoises, une nouvelle plainte serait nécessaire.

De son côté, le président de l'Association des vignerons du Québec, Yvan Quirion, craint peu que l'industrie viticole québécoise puisse se retrouver au coeur d'une dispute commerciale.

«Nous sommes tellement petits, a-t-il expliqué au cours d'un entretien téléphonique. Je ne suis pas juriste, mais à mon avis, ce n'est pas un enjeu pour nous. S'il y en a qui sont lésés ici, ce sont les producteurs locaux. Ceux qui vendent le moins au Québec, c'est nous.»

Lui-même vigneron au Domaine Saint-Jacques en Montérégie, M. Quirion a souligné que plus de «99 pour cent» des parts de marché au Québec sont détenues par des producteurs étrangers.

Selon l'Association des vignerons du Canada, les viticulteurs américains bénéficient déjà d'un surplus commercial de 450 millions $.

Cette nouvelle plainte des États-Unis survient alors que le pays renégocie l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) avec le Canada ainsi que le Mexique. La vente de vins canadiens dans les épiceries en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique devait faire l'objet de discussions entre les négociateurs de Washington et Ottawa.

En août dernier, Washington avait dénoncé certaines restrictions en matière de vente de vins importés dans les épiceries de l'Ontario ainsi que la place accordée aux vins artisanaux locaux dans les supermarchés du Québec.

Les vignobles au Québec en chiffres (2016)

- 1800 tonnes de raisins récoltées

- 1,7 million de bouteilles produites

- 417 hectares cultivés, ce qui représente 3,4 pour cent de la superficie des vignobles au Canada

- 40,1 pour cent de la production était destinée au vin blanc, 34,3 pour cent au vin rouge et 16,2 pour cent au rosé. Le reste de la production était composé de bulles, de vin de glace et autres types de vins.

Source: Association des vignobles du Québec