La région de Rome n'est pas connue principalement pour son vin. C'est en voulant changer cela que la famille Santarelli a découvert, sous ses vignobles expérimentaux, des vestiges d'une cité antique et de sa culture vinicole millénaire.

Sur les terrains du vignoble Casale del Giglio, installé dans le Latium, à une heure de la capitale italienne, une aire d'excavation se découpe en pleine vigne.

Recouverte pendant l'année pour protéger les excavations de la pluie, elle se transforme chaque été en une fourmilière d'archéologues néerlandais.

«En dix ans de fouilles dans le vignoble, nous avons retrouvé la Voie Sacrée de la ville préromaine de Satricum. Sous la vigne, nous avons découvert des amphores et des coupes à vin en céramique, signe de l'antique culture du vin de ce lieu», explique Marijke Gnade, chercheuse en archéologie préromaine à l'Université d'Amsterdam.

La Voie Sacrée date en effet du VI siècle av. J.-C. et mène à l'acropole de Satricum, sur laquelle s'élève le temple dédié à Mater Matuta, déesse de l'aurore, dont les ruines trônent désormais sur fond d'une vaste étendue de vignes.

Mme Gnade était étudiante stagiaire au tout début du projet de recherches sur Satricum, il y a 36 ans. Revenue chaque été, elle dirige désormais les excavations de la cité préromaine, depuis son laboratoire dans les vignes.

Installé depuis 1967, le vignoble de la famille Santarelli s'est inséré dans le vaste projet destiné à retrouver Satricum. Outre les fouilles sur ses terres depuis 10 ans, il participe au financement du projet avec la surintendance des biens archéologiques du Latium, les communes voisines et l'Université d'Amsterdam.

Du rouge romain 

C'est donc le nom de «Mater Matuta» que le Casale del Giglio a décidé de donner à son vin phare, un assemblage de Syrah et de Petit Verdot.

Un élégant vin rouge dans le Latium, une région aux vins simples, peu connus et très majoritairement blancs, c'est rare. Le vignoble est rapidement devenu incontournable dans la région.

Car si la Rome antique célébrait la vigne, les terrains de l'Agro Pontino ont longtemps été marécageux, inutilisables et infestés de moustiques porteurs de paludisme, avant que le régime mussolinien ne les assainisse dans les années 1930 et que les viticulteurs ne commencent à explorer ces terres nouvelles.

«Depuis le milieu des années 1980, nous avons lancé une grande expérimentation sur plus de 60 cépages avec notre oenologue Paolo Tiefenthaler et des universitaires», explique Antonio Santarelli, propriétaire de Casale del Giglio, dont la famille produit du vin et de l'huile d'olive dans le Latium depuis 1914.

«Nous ne savions pas ce qui allait prendre sur ces terres particulières. Les résultats ont été surprenants. Le Syrah et le Petit Verdot, bordelais d'origine, ont contre toute attente trouvé ici des conditions parfaites», poursuit-il.

«Ces expérimentations ont bénéficié à la région et à ses petits producteurs. Certains se sont mis à cultiver du Chardonnay, du Viognier, en voyant que ça avait si bien fonctionné chez nous», ajoute Elise Rialland, responsable de l'exportation.

Les vendanges s'achèvent cette semaine au vignoble du Giglio, émaillées de conférences d'archéologie dispensées par Mme Gnade et ses élèves.

Et jusqu'en janvier 2015, les 750 objets archéologiques retrouvés sont exposés dans d'anciennes fonderies adjacentes, destinées à devenir un musée permanent.