Ottawa est sur le point de modifier une loi datant de 1928 afin de permettre d'acheter de l'alcool dans une province dans le but de la consommer dans une autre. Ce projet de loi inquiète Québec, car il craint de perdre des revenus provenant des taxes sur l'alcool.

La Société des alcools du Québec (SAQ) suit avec beaucoup d'attention les débats entourant le projet de loi C-311 à la Chambre des communes à Ottawa. Car s'il est adopté, la société d'État n'exercera plus de contrôle sur des commandes de vin effectuées dans les autres provinces. Elle craint ainsi de perdre des revenus.

«On a des préoccupations de perception de la taxation», explique la directrice des affaires publiques de la SAQ, Isabelle Merizzi.

Au ministère des Finances à Québec, le projet de loi suscite aussi de nombreuses inquiétudes. L'attachée de presse du ministre Raymond Bachand, Catherine Poulin assure que Québec n'a reçu aucune garantie du fédéral sur plusieurs sujets.

«Si on peut commander par exemple une caisse de vin de l'Okanagan, comment les autorités peuvent-elles s'assurer que l'acheteur est bien majeur, s'interroge-t-elle. On n'a pas vu de garantie là-dessus.»

Mais ce n'est pas tout. Le gouvernement du Québec s'interroge aussi sur la manière dont il percevra les taxes liées aux achats de vin effectués par des Québécois dans les autres provinces, en particulier ceux effectués sur le web. La SAQ craint d'ailleurs que cette nouvelle loi contrevienne aux accords du commerce international.

À Ottawa, le député conservateur à l'origine du projet de loi, Dan Albas, n'est pas surpris. Il dit que la majorité des sociétés d'État responsables de la vente des alcools dans les provinces sont préoccupées par la perception des taxes dans la foulée de l'adoption de cette nouvelle loi.

Il croit cependant que cette nouvelle mesure augmentera de façon significative les ventes de vin partout au pays. Les gouvernements provinciaux récolteront ainsi plus de taxes, dit-il.

«J'encourage les provinces à sonder leur population et leur industrie viticole sur ce projet, indique le député. C'est une bonne chose pour tous.»

La ministre fédéral du Revenu, Gail Shea, a envoyé une lettre au ministre Bachand à Québec, afin de le rassurer. Dans cette lettre, Ottawa affirme que ce sera à Québec d'encadrer les achats dans le nouveau contexte légal. La ministre soutient par ailleurs que cette loi ne pose aucun conflit en ce qui a trait aux accords internationaux.

Une loi archaïque

Glisser dans vos bagages une bouteille achetée lors de vos vacances dans la vallée de Niagara ou faire vos emplettes de vin à Ottawa quand vous habitez à Gatineau, c'est illégal selon la loi fédérale sur l'importation des boissons enivrantes. Adoptée en 1928, à une époque où certaines provinces avaient adopté la prohibition, la loi actuelle interdit à un particulier d'acheter une bouteille d'alcool dans une province et de la consommer dans une autre.

Les peines prévues par cette loi sont sévères: des amendes pouvant aller jusqu'à 1000$ et des peines d'emprisonnement de six à 12 mois. Les arrestations liées à l'achat d'alcool pour une consommation personnelle sont toutefois rares. La Gendarmerie royale du Canada a confirmé à Lapresse.ca qu'elle utilise plutôt «ses pouvoirs discrétionnaires en se concentrant principalement sur les expéditions de type commercial».