Tandis que le gouvernement Harper vante les mérites du libre-échange sur la scène internationale, une loi restreignant le commerce intérieur et datant de plusieurs décennies est examinée au parlement.

L'association «Free My Grapes» retiendra l'attention de la colline parlementaire mardi, alors qu'une commission parlementaire entendra les demandes de militants souhaitant modifier une loi empêchant la vente interprovinciale de vin au Canada, une interdiction datant de 1928.

Shirley-Ann George a rencontré ce problème lors d'une visite en Colombie-Britannique. Elle souhaitait joindre un club d'amateurs de vin par le biais d'un vignoble de la province, mais a dû y renoncer lorsqu'elle a appris que le coteau ne pouvait pas lui envoyer de vin à la maison, en Ontario. Elle a donc formé l'Alliance of Canadian Wine Consumers dans l'espoir de modifier la loi. «Dites-moi que c'est une blague!» est la phrase que les gens lancent le plus souvent quand on leur parle de la loi, selon Mme George. «La plupart des Canadiens ne savent même pas que c'est illégal. Ils croient que c'est stupide, archaïque, et qu'il est temps que le gouvernement réfléchisse «à la manière du 21e siècle».

Le projet de loi C-311, qui vise à modifier la Loi sur l'importation des boissons enivrantes, a fait son entrée à la Chambre des Communes à l'automne dernier par le député conservateur de la Colombie-Britannique Dan Albas. Bien qu'il ne boive pas d'alcool, ce dernier a déclaré que la question avait été soulevée à plusieurs reprises lors de la campagne électorale de 2011 dans son compté de Okanagan-Coquihalla, en plein coeur de la région vinicole de la Colombie-Britannique. Lors de rencontres, des membres de tous les partis ont offert leur appui à de possibles changements à la loi, ce qui a inspiré M. Albas a déposé un projet de loi à ce sujet.

La loi sur les boissons s'apparente à celle qui établit que les fabricants de voitures ontariens peuvent fabriquer leurs véhicules en Ontario, mais qu'ils ne sont pas autorisés à les envoyer en Colombie-Britannique ou en Alberta, estime le député. «Nous devons examiner nos vieilles lois et nous assurer de libérer nos entreprises de contraintes, c'est très important», a déclaré M. Albas. Mais le projet rencontre de la résistance.

Tandis que les échanges interprovinciaux sont de responsabilité fédérale, les ventes d'alcool sont plutôt réglementées par les provinces, ce qui veut dire que l'acceptation du projet de loi n'empêcherait pas les provinces de contrôler la quantité d'alcool permise à l'entrée de leur territoire.

L'an dernier, la LCBO, une entreprise du gouvernement de l'Ontario, acheteur et détaillant de boissons alcooliques, avait mis sur pied une politique qui permettait aux Ontariens d'entrer dans la province avec trois litres de spiritueux, neuf litres de vin et 24,6 litres de bière, tant que ceux-ci étaient destinés à la consommation personnelle. Un groupe qui représente les régies des alcools du Canada croit quant à lui que ce changement n'est pas nécessaire puisqu'ils peuvent eux-mêmes placer des commandes pour leurs clients.

«Nous sommes d'accord pour que les touristes visitent les établissements vinicoles et qu'ils rapportent du vin à la maison, mais nous émettons des réserves quant à l'instauration d'un système de ventes directes vers les autres provinces, car c'est une façon nouvelle et distincte de vendre», a lancé aux journalistes la semaine dernière le directeur général de l'Association canadienne des régies d'alcool, Rowland Dunning. «L'impact des ventes directes sur nos entreprises et sur les revenus des provinces pourrait être énorme.»

La loi pourrait également avoir des impacts au niveau international, car une modification pourrait contrevenir aux lois commerciales en donnant un avantage injuste aux vins canadiens. L'importation de vin est un sujet litigieux entre le Canada et les États-Unis et les négociations à son sujet retiennent l'attention des Européens.