Longtemps réservée aux petits vins jeunes servis dans les bistrots, la vente au verre gagne les tables étoilées qui proposent désormais des grands crus au verre grâce à une évolution des mentalités et de la technologie qui rendent accessibles les domaines les plus prestigieux.

Pommard 1er cru, Chablis grand cru, Puligny-Montrachet 1er cru: les appellations prestigieuses se bousculent ainsi parmi les quelque 70 références proposées par Loiseau des vignes, restaurant une étoile de Beaune (Côte-d'Or), conçu en 2007 autour de cette large offre de grands vins au verre.

«80% de notre vente de vin se fait au verre. Mais la machine ne suffit pas, il faut quelqu'un derrière. C'est pourquoi nous avons deux sommeliers pour parler du vin et le sélectionner», explique à l'AFP Christophe Gines, le directeur de l'établissement, où le prix du verre va de 3 à 45 euros.

Exposées dans des vitrines qui recouvrent entièrement un des murs du restaurant, les dizaines de bouteilles, une fois ouvertes, se conservent «jusqu'à trois semaines» grâce à un système qui remplace au fur et à mesure l'air par de l'azote, un gaz neutre, poursuit M. Gines.

Il faut compter environ 1000 euros par bouteille proposée pour ces machines qui sont également en cours d'installation au Relais Bernard Loiseau, le restaurant trois étoiles du groupe éponyme, selon Dominique Loiseau, veuve du célèbre cuisinier.

Pour des questions de réputation, les grandes tables ont longtemps tourné le dos à la vente de vin au verre. L'évolution de la technologie leur permet désormais de proposer des vins à la hauteur de leur réputation. Le contexte de crise économique et la peur du gendarme les poussent à aller dans le même sens.

Distribuée en France depuis 2006, la marque italienne Enomatic, née en 2002, est le leader mondial sur ce marché.

«Nous sommes sur une progression de nos ventes de 20 à 30% par an. La tendance étant clairement au «boire moins, mais mieux», ce système permet de découvrir le vin de manière moins traditionnelle», détaille David Morin, son directeur en France.

«Avant, quand on choisissait une bouteille, on engageait toute la table, il ne valait mieux ne pas se tromper, ça pouvait gâcher tout le repas !», ajoute M. Morin, qui a installé ce système notamment chez Alain Senderens, à Paris, et à la brasserie de la Maison Pic, à Valence (Drôme).

Pour Joëlle Brouard, directrice de l'Institut de management du vin à l'École supérieure de commerce de Dijon, il était auparavant «inenvisageable» dans les grands établissements «de ne pas prendre une bouteille de vin».
«Ce type de système est aussi une façon de récupérer des consommateurs» afin de limiter l'érosion de la consommation de vin au restaurant, ajoute-t-elle alors que le «sac à vin» (qui permet d'emporter sa bouteille non terminée) n'a jamais pris en France car «ça fait radin».
«À 25 euros le verre, on peut accéder à des superbes vins sans se ruiner au restaurant», conclut Mme Brouard.