En battant mardi son propre record, celui de la bouteille de blanc la plus chère au monde avec un millésime 1811 acheté 85000 euros (116 000$ ), le château d'Yquem a confirmé sa position de roi des vins et doit son prestige à une histoire, un terroir et un savoir-faire exceptionnels.

Au-delà de ses qualités gustatives remarquables et de son potentiel de garde unique, c'est dans l'histoire de ce vignoble et l'intérêt qu'il suscite depuis des siècles que réside le succès de ce Sauternes.

Bichonné pendant quatre siècles par la famille Lur-Saluces, ce vin liquoreux était déjà le favori des tsars de Russie ou de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis (1801-1809), qui l'achetaient à prix d'or.

Présent sur toutes les grandes tables lors des cérémonies d'exception, un château d'Yquem 1996 a d'ailleurs été choisi début juillet pour le repas de noces du couple princier de Monaco, Albert et Charlene.

Le 21 avril 2006 au dîner que donnait le prince Charles pour les 80 ans de sa mère, la reine Elizabeth II, un cru 1982 accompagnait le dessert.

«Yquem est unique, exceptionnel, c'est un vin magique qui fait rêver plus que les autres et le rêve n'a pas de prix», estime Sylvie Cazes, présidente de l'Union des grands crus de Bordeaux.

Selon elle, «il n'y a que Yquem qui est comparable à Yquem. C'est le prestige, le raffinement à la française» dont raffolent les nouvelles fortunes mondiales et qui affole les bourses des collectionneurs.

«Une bouteille de 200 ans est un objet d'art. C'est la rareté, l'ultime pièce de collection» qui a intéressé l'acheteur de ce millésime 1811, un collectionneur français, estime Hamilton Narby, négociant à Bordeaux spécialisé en grands crus.

Seul premier grand cru supérieur de l'appellation Sauternes, la cuvée 2010 en primeur d'Yquem se négocie 350 euros la bouteille. Un premier grand cru de Sauternes, parmi les onze que compte l'appellation, est dix fois moins cher.

Pourtant, des oenologues qui ne veulent pas être cités reconnaissent que, lors d'une dégustation à l'aveugle de vins de Sauternes, «il est difficile de trouver lequel vaut dix fois plus cher que les autres».

Situé au sud-est de Bordeaux, le château d'Yquem a depuis 1999 LVMH et Bernard Arnault, première fortune d'Europe, comme actionnaire principal. Le domaine est géré depuis mai 2004 par Pierre Lurton, qui s'occupe aussi depuis deux décennies du château Cheval-Blanc, premier grand cru classé A de Saint-Emilion, rouge dont une bouteille de 1947 s'est vendue 210 000 euros en novembre, le record mondial.

Pour lui, un château d'Yquem «offre un rapport qualité-prix remarquable», alors que les plus grands crus de rouge du millésime 2010 se sont arrachés 600 euros en primeur.

Il est donc «à peine surpris» de l'engouement financier suscité autour du millésime 1811. Un vieil Yquem est pour lui «un tableau rare consommable». Au millésime 1861, le plus vieux conservé au château, il a trouvé «une qualité organoleptique, une fraîcheur et une complexité incroyables».

Le soin apporté pendant plus de 400 ans à ce vignoble, sa situation géographique et la diversité de son sol font, selon lui, son unicité.

«Il y a la diversité des deux grands terroirs bordelais», argile et calcaire, «le vallonnement», qui induit des écosystèmes différents selon les parcelles, «et une complexité maîtrisée par l'équipe», détaille M. Lurton.

L'excellence chez Yquem c'est aussi, selon les années, produire 20 000 ou 120 000 bouteilles, voire se passer de millésime si les conditions pour faire un vin d'exception ne sont pas réunies. «Si une étiquette est mise, c'est qu'il y a eu la rencontre avec une bonne climatologie», dit M. Lurton.