Des vignes accrochées aux falaises des Cinque Terre en aplomb sur la mer, aux bouteilles de vin pétillant immergées dans les flots, la viticulture prend des allures spectaculaires en Ligurie, région du nord de l'Italie célèbre pour ses paysages éblouissants.

«La difficulté ici c'est le coût de la main-d'oeuvre, puis les murets en pierre qu'il faut constamment reconstruire», raconte Cesare Scorza, en cueillant les dernières grappes dans son vignoble qui s'étend sur un terrain donnant le vertige tellement la pente est forte, 30 degrés de la verticale.

«Ce genre d'exploitation est coûteux», assure ce propriétaire de deux hectares de terrain dans le petit village de Manarola, situé dans le parc national des Cinque Terre, déplorant la disparition progressive de cette tradition.

Les agriculteurs se déplacent dans les vignobles le long d'une sorte d'échelles de bois, comme suspendus entre ciel et terre, ou en s'accrochant au muret de soutien en pierre construit horizontalement.

Les grappes de raisin grimpent le long des vignobles dans un genre d'ascenseur spécial qui se déplace comme un tracteur le long d'une «voie ferrée» monorail.

«Une bonne partie du coût de la production est due aux sangliers qui détruisent les murets et mangent le raisin», ajoute M. Scorza.

En dépit des difficultés, la Ligurie a été pendant des siècles grande productrice de vin. Elle fournissait les riches marchands de la grande ville portuaire de Gênes, voisine de la région des Cinque Terre.

Les moyens de transport modernes ont rendu les vins des régions voisines, comme la Toscane ou le Piémont, plus compétitifs, mais les amateurs des vins ligures assurent que la brise marine confère à ces derniers un goût incomparable.

«Le vin des abysses»

Les producteurs ont d'ailleurs su se créer un créneau de niche dans les vins haut de gamme avec le «Sciacchetra», un vin doux qui se boit au dessert et dont le prix peut atteindre 70 euros la bouteille.

Un producteur de vin local particulièrement ingénieux a inventé ce qu'il appelle «le vin des abysses».

Pierluigi Lugano, ancien professeur d'histoire de l'art, tient des milliers de bouteilles de son vin mousseux au fond de la mer, près du célèbre port de Portofino.

«L'obscurité et la température constante de 15 degrés sont importantes et en plus il y a des conditions qui n'existent pas dans une cave traditionnelle, comme la pression extérieure qui aide le perlage», la formation des +bulles+ dans le vin, assure-t-il.

L'idée lui est venue en raison de son amour pour l'archéologie marine et à la suite de la découverte sur des épaves d'amphores romaines qui contenaient encore de l'huile d'olive ou du vin préservés grâce à la mer.

Le remuage des bouteilles au fond de la mer devient également un mouvement naturel grâce aux courants sous-marins tandis que l'absence d'oxygène aide le vin à mûrir, selon son producteur.

Les bouteilles sont stockées dans de grandes cages à environ 60 mètres de profondeur et M. Lugano utilise également l'épave vieille de 100 ans d'un ancien yacht qui appartenait à la famille des banquiers Rotshchild.

Une fois tirées dehors, les bouteilles sont couvertes d'algues et de mollusques, «ça ressemble à de la science-fiction», note M. Lugano, mais cela attire les amateurs.

M. Lugano a commencé en 2010 avec 6500 bouteilles au fond de la mer qui sont devenues 15 000 cette année, plus de 10% de sa production annuelle, mais il prévoit de continuer à croître pour éviter «le risque d'extinction» de la viticulture en bord de mer en Ligurie.

Photo Olivier Morin, AFP