Sous le soleil, des grappes de vendangeurs parcourent les collines. À la même latitude que les vignobles bordelais et toscans, la région roumaine de Dealu Mare (centre) produit des vins de mieux en mieux reconnus, symboles de l'ascension d'un nouveau monde en Europe.

«La Roumanie et la Bulgarie sont notre Australie et notre Chili» dans l'Union européenne (UE), déclare à l'AFP Walter Friedl, un Autrichien qui a investi dans le vignoble Lacerta, sur «la Grande colline» (Dealu Mare).

«La Roumanie est le Nouveau monde» du Vieux continent, renchérit Bogdan Costachescu, oenologue pour Davino, un des producteurs les plus renommés du pays.

Certains spécialistes, comme l'oenologue français Michel Rolland, prédisent que les vins des pourtours de la Mer Noire -Roumanie, Bulgarie, Moldavie, Arménie- constitueront la bonne surprise des années à venir.

Si la Roumanie, sixième producteur de l'UE avec quatre millions d'hectolitres, fait figure de nouvelle venue sur le marché du vin de qualité, elle renoue cependant avec une tradition millénaire puisque la viticulture y fut pratiquée dès l'Antiquité et louée par le poète Ovide.

Mais cette culture viticole fut foulée aux pieds durant plus de 40 ans de dictature communiste (1945-1989).

«Les communistes ont collectivisé les terres, misé sur la quantité produite sans se soucier de la qualité. Plus personne ne s'intéressait à comment faire un bon vin. Tout était versé dans une même cuve sans distinction. L'image des vins roumains s'est dégradée», relate Cristian Preotu, responsable des épiceries fines Comtesse du Barry en Roumanie.

Des cépages autochtones uniques

Les vignobles roumains comptent de nombreux cépages français (Merlot, Cabernet-Sauvignon, Pinot Noir etc..), héritage des liens forts unissant ces deux pays de langues latines.

«Mais la Roumanie n'offre pas seulement un millionième Merlot de qualité. Elle apporte aussi des cépages autochtones qui font sa spécificité comme le Feteasca Neagra (rouge) et son goût de prune séchée ou le Feteasca Alba et le Tamaioasa (blancs)», explique à l'AFP Mihai Banita, oenologue au vignoble Lacerta.

Après la chute de la dictature, oenologues et viticulteurs redécouvrent les qualités du terroir roumain et se lancent dans une aventure au long cours pour lui redonner ses lettres de noblesse.

Un Français, le comte Guy Tyrel de Poix, aujourd'hui décédé, est en partie à l'origine de ce tournant vers la qualité, lui qui a cru en la Roumanie dès 1994.

Les fonds européens accordés à ce pays avant son entrée dans l'Union en 2007 stimulent les investissements, y compris étrangers.

«À l'époque, La Roumanie produisait en grande quantité du vin blanc, sucré, et pas cher. J'ai décidé de faire le contraire, du rouge, sec, en petites quantité et vendu plus cher», explique Dan Balaban, un des deux cofondateurs de Davino.

Il ne vinifie que des raisins récoltés dans des vignes ayant une quarantaine d'années, attendant que celles replantées atteignent leur pleine maturité.

Le succès est au rendez-vous: sur ses 68 hectares, Davino produit un vin haut-de-gamme apprécié y compris à l'étranger comme l'illustre une récente commande de 20 000 euros d'un client particulier français.

À quelques kilomètres de Davino, Walter Friedl et son associé Mihai Banita ont redonné vie à un autre vignoble.

Avec un investissement de plus de huit millions d'euros, dont 40% financés par des fonds européens, ils ont replanté 82 hectares de vignes, créé une cave moderne et chaleureuse et une terrasse de dégustation qui domine les collines, employant 25 personnes.

La production, considérée comme une des plus prometteuses du pays, est élevée dans des fûts de chênes venus de France, Roumanie, Hongrie et d'Angleterre.

«Il faut de la patience mais c'est un rêve qui se réalise», confie M. Banita, 41 ans, qui a ainsi renoué avec une tradition familiale.

Si une partie des vins de qualité ont commencé à séduire l'étranger, une action de promotion forte de l'État pour gommer les stéréotypes négatifs est nécessaire, y compris pour obtenir des prix en rapport avec la qualité, estiment les responsables de Davino et Lacerta.

En 2011, la Roumanie n'a exporté que 3% de sa production viticole, très loin derrière la France et l'Italie.