Dans une vallée bucolique à une grosse heure de New York, la plus vieille cave à vin des États-Unis est en pleine expansion, offrant des vins de qualité dignes de la Maison Blanche, mais aussi d'étonnantes boissons alcoolisées.

Créé en 1839 par un immigrant français protestant, Jean Jacques, le domaine «Brotherhood» (Fraternité) a survécu à la Prohibition (1920-1933), grâce à la production de vin de messe, puis à un grave incendie en 1999. Il n'a jamais cessé de produire.

Après deux changements de propriétaire, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le domaine est possédé depuis 1987 par un groupe d'investisseurs chiliens, et dirigé par le viticulteur et oenologue chilien César Baeza.

«Nous faisions du vin avant même que la Californie ne fasse partie des États-Unis» (en 1848), sourit-il, comparant l'expérience de «Brotherhood» et celle des producteurs de la Napa Valley en Californie.

«Brotherhood» figure dans le registre national des lieux historiques des États-Unis, liste officielle des lieux méritant d'être préservés.

Son histoire est intimement liée à celle de Washingtonville, petite bourgade de quelque 6000 habitants, à environ 100 km de New York, où Jacques avait planté ses premières vignes en 1837.

De ce passé, Washingtonville ne conserve aujourd'hui que la cave à vins, les chais où sont entreposés les tonneaux où vieillissent les millésimes.

Les vignes de «Brotherhood» sont éparpillées dans la vallée de l'Hudson, dans le secteur des Finger Lakes, des lacs très étroits au nord de l'État de New York, et à Long Island, à l'est de la ville de New York.

Le vin de la garce heureuse

«Nous sommes en expansion, nous sommes en train d'agrandir nos installations, avec la construction d'une cave de fermentation. Actuellement nous fournissons quelque 200 000 caisses de quatre bouteilles de vin chacune»,  explique César Baeza, 61 ans, en faisant visiter les tunnels obscurs et frais où sont entreposés tonneaux et bouteilles en cours de maturation.

«Brotherhood» produit des vins «classiques» de qualité, Riesling, Pinot Noir et Chardonnay, et des vins mousseux. Certains ont eu les honneurs de la Maison Blanche.

Il y a seulement quelques semaines, raconte César Baeza, son Cabernet Sauvignon a été servi lors d'un dîner de la secrétaire d'État Hillary Clinton avec plusieurs de ses prédécesseurs.

«Le chef, qui est de New York, a décidé d'inclure notre vin dans son repas. Et cela a été une agréable surprise. Beaucoup de gens ne savent pas qu'on produit du vin de qualité si près de Manhattan».

Mais en plus de cette production traditionnelle, «Brotherhood» accueille aussi des projets plus «fous» d'autres producteurs, telle une «Senor sangria», sangria haut de gamme à base de vin blanc ou rouge et de pulpe de fruits intégrée dans la bouteille.

Autre produit, «le vin de la garce heureuse», une marque déposée qui vise le marché des femmes voulant oublier une déception sentimentale...

«Ce sont des personnes qui arrivent avec une idée, et veulent la concrétiser. Et je leur dis oui. La plupart du temps, je n'aurais jamais imaginé de tels produits», explique César Baeza, qui dit respecter l'humour et l'imagination de ces producteurs, dans un monde du vin souvent sophistiqué et parfois incompréhensible pour le consommateur de base.

«Nous avons l'avantage d'être dans un marché très diversifié. Si nous attaquons ces niches, nous avons beaucoup d'opportunités pour nous développer», se réjouit l'expert chilien, qui a étudié à l'université du Chili, à l'université de Californie, Davis, ainsi qu'en Espagne et en France.