Il s'en passe des choses dans la vie de François Chartier! Pas une semaine sans que le grand sommelier québécois ne soit invité à donner une conférence, à accepter un prix, à assister à un festival gastronomique, à participer à une émission de télévision ou à approuver une nouvelle traduction de son révolutionnaire livre Papilles et molécules. Nous lui avons rendu visite dans son «laboratoire», pour faire le point et pour savourer un peu de son univers.

Il y a deux semaines, l'auteur de La sélection Chartier (qui fête son 15e anniversaire) participait au lancement du tout nouveau programme «Gestion des services de sommellerie et de bar» du Collège LaSalle, avec lequel il a signé une entente de collaboration d'une durée de cinq ans. Les livres Papilles et molécules ainsi que Les recettes de Papilles et molécules deviendront les manuels scolaires d'un cours sur la sommellerie moléculaire, un module de 75 heures approuvé bien sûr par le ministère de l'Éducation.

Tout juste avant, à la suite de la conférence qu'il donnait au San Sebastian Gastronomikà, en Espagne, il apprenait de la présidente de Star Chefs New York que son livre Taste Buds and Molecules figurait au prestigieux Top 10 des livres de recettes du magazine et du site internet de Star Chefs. Cette bible de la cuisine mondiale organise un congrès annuel, rendez-vous des plus grands chefs de ce monde, où le sommelier vedette donnera une conférence en septembre 2011.

Il faut dire que François Chartier s'y connaît en grands chefs. Ceux qui le suivent savent qu'il travaille depuis quelques années avec Ferran Adria, du meilleur restaurant de la décennie, El Bulli, établissement dont on parlera bientôt au passé. L'inventeur du principe d'«harmonies et sommellerie moléculaire» a même mis son grain de sel dans la carte des vins du célèbre restaurant catalan, en plus d'influencer certains plats qui se retrouvent au menu. On le voit d'ailleurs à quelques reprises dans le film hollandais El Bulli - Cooking in Progress, dont la première a eu lieu le mois dernier.

Mais son plus important projet, pour l'instant, est la création d'un laboratoire culinaire à Québec, avec son complice et coauteur du livre Les recettes de Papilles et molécules, Stéphane Modat (de feu le restaurant L'utopie), le docteur en biologie moléculaire Martin Loignon et Josée Brisson, cuisinière qui travaille aux recherches avec lui depuis septembre.

Il cite en exemple la fondation Alicia, à 40 minutes de Barcelone. «Ça ne sera pas une école, mais un centre de recherche et de création. On commencera par des ateliers pour professionnels, mais aussi pour débutants. Après, qui sait quels genres de dérivés on pourrait créer: traiteur, resto, etc.»

Malgré son horaire chargé, le «savant fou» qui planche aussi sur une application iPhone de Papilles et molécules, a pris le temps de nous recevoir dans son bureau-laboratoire... le modeste sous-sol de sa maison à Sainte-Adèle.

Expérience 1

En pleine dégustation, François décide de soumettre nos papilles à une expérience. Il nous tend une petite boîte et nous prie de nous servir. «Goûtez à votre vin. Maintenant, croquez dans le grain de poivre. Attendez une minute et demie et regoûtez à votre vin.» Ah! Le caractère mentholé du poivre exotique (c'est le «cubénol») produit immédiatement une sensation de froid sur les papilles. «En fait, le cubénol opère sur tous les liquides et solides que l'on ingère après», explique celui qui s'amuse comme un enfant dans un Toys R Us. «Alors imaginez qu'on l'utilise dans un plat justement pour produire cet effet!»

Expérience 2

Encouragé par notre enthousiasme, il propose une deuxième expérience, tirée du livre Les recettes de Papilles et molécules. Cette fois-ci, le mariage se fait avec un vin rouge, un cabernet sauvignon Arboleda 2008. François Chartier revient de la cuisine avec un bol rempli de ce qui ressemble à des vermisseaux frits. Ça y est! pensons-nous, il va nous faire croquer des insectes! Heureusement (ou malheureusement, c'est selon!), il n'en est rien. Finalement, les petites choses sèches sont des grains de riz sauvage (de marque Clic, c'est impératif!) soufflés dans l'huile de canola presque fumante et saupoudrés de sel et de café espresso finement moulu. Le condiment agit comme catalyseur de vins rouges boisés, en plus d'assouplir les tanins. C'est explosif.

Repartir en neuf

À la fin de sa journée de travail, François fonce à la cave pour trouver LA bouteille qui s'accordera avec le repas qui est au menu ce soir-là.