Considérée pendant des années comme LE happening viticole du Québec, l'arrivée des beaujolais nouveaux, en novembre, suscite de moins en moins d'intérêt, comme en témoignent les ventes en forte baisse depuis une décennie.

Effet de mode, bien sûr, mais les producteurs du beaujolais ont aussi contribué à l'affaissement de leurs ventes en privilégiant la quantité plutôt que la qualité.C'est un peu la vieille histoire de la poule aux oeufs d'or.

Voilà du moins la conclusion à laquelle en arrive Patrick Vivier, oenologue de la maison Mignot dans cette région depuis une trentaine d'années.

«Ce qui est arrivé aux beaujolais, c'est notre faute, a-t-il admis sans détour lors d'une rencontre récente à Montréal. Dans les années 80 et 90, on se souciait beaucoup plus de la quantité que de la qualité et on en paie le prix aujourd'hui. On ne pensait qu'au fric !»

Après des années de disette, le vignoble beaujolais a touché le fond du baril l'an dernier, estime M. Vivier. La bonne nouvelle, c'est qu'il ne peut maintenant que remonter.

Justement, pour Patrick Vivier, la crise des dernières années (aussi pire que celle de 1929, dit-il) aura eu du bon puisqu'elle aura permis de faire le ménage, de réduire la quantité d'hectares de vignes et de faire disparaître les «amateurs» qui sévissaient dans la région.

«De la crise est née la qualité, dit-il. Les amateurs sont "morts" et le vignoble du beaujolais est revenu entre les mains des professionnels amoureux du beaujolais. La crise a éliminé ceux qui faisaient mal à l'appellation.»

Après les coups durs des dernières années, le beaujolais peut maintenant espérer reprendre ses lettres de noblesse. Et selon M. Vivier, le vignoble connu pour son gamay a tout pour plaire aux amateurs de vin. Surtout que le millésime 2009, offert au Québec le mois prochain, est déjà considéré comme un classique.

Le beaujolais, c'est plus que le beaujolais nouveau, une opération commerciale qui aura fini par ternir la réputation de l'appellation, selon Patrick Vivier.

«Les beaujolais sont des vins de soif, c'est vrai. On débouche une bouteille, on la vide ! Mais quand un beaujolais est bien fait, dans les grandes années comme 2009, ils peuvent se garder 10 ans.»

M. Vivier ne s'offusque pas lorsque je lui fais remarquer que les beaujolais sont souvent les premiers vins que l'on découvre en s'initiant au vin. Des vins de «débutants» en quelque sorte.

«C'est vrai, les beaujolais sont plus évidents, plus accessibles, explique-t-il. Il est plus facile de goûter les arômes de groseille des beaujolais bien fruités que la subtile cerise d'un Saint-Julien. En plus, les beaujolais ne sont pas tanniques, donc plus agréables dans leur jeunesse.»

Pour (re) découvrir le beaujolais, deux trucs, insiste M. Vivier : d'abord, toujours passer le vin en carafe (le jeune jus a besoin de respirer) et, surtout, ne pas le servir trop froid.

«Au Québec, je ne sais pas pourquoi, mais on a tendance à servir le beaujolais trois ou quatre degrés trop froid. C'est regrettable !»

De la maison Mignot (propriété du grand négociant Boisset), la SAQ vend deux produits, le Brouilly et le Régnié, tous deux à moins de 20 $.

Le plus célèbre (et le plus gros vendeur) vin de la région au Québec est sans contredit le Brouilly de la maison Duboeuf (la bouteille avec un long cou), lui aussi à moins de 20 $.

On compte 10 crus dans le beaujolais : Brouilly, Saint-Amour, Moulin-à-vent, Juliénas, Morgon, Chénas, Fleurie, Côte-de-Brouilly, Régnié et Chirouble.