La mode des vins patapoufs, blancs et rouges, hyper-boisés, hyper-concentrés et très souvent hyper-alcoolisés, qu'ont lancée les dégustateurs américains, est en train de s'estomper. Lentement, mais sûrement. Enfin !

«Bientôt, on jugera les vins au poids !» ironisait à ce propos il y a plusieurs années Christian Moueix (Châteaux Petrus, Trotanoy, Magdeleine, etc.), cependant que cette mode était à son apogée.

Les blancs, pour avoir droit de cité, devaient, selon cette mode, se présenter avec des «layers of pear, cinnamon, butterscoth, hazelnut aromas» (je vous laisse le soin de traduire, chers lecteurs) - et j'en passe.

Les rouges, eux, devaient être noirs comme la nuit, et concentrés comme du goudron.

Quant aux acheteurs de pareils vins, et normalement amateurs de notes de 90 points sur 100, et plus, ils se devaient d'être à tout le moins multimillionnaires...

«Tout a une fin», dit le proverbe. Et c'est ce qui se passe, expliquait en substance le Québécois et Bourguignon d'adoption Pascal Marchand, à l'occasion d'une dégustation de ses vins - et que j'ai déjà cité à ce propos.

Ainsi, signalait-il au sujet des bourgognes blancs, les viticulteurs changent peu à peu de cap : conséquemment, on bâtonne moins (ce qui consiste, rappelons-le, à élever le vin avec ses lies et à remettre celles-ci en suspension à intervalles réguliers, pour obtenir plus de matière, plus de gras), ou même pas du tout ; et on fait en sorte, d'une façon ou d'une autre, que les vins soient moins boisés.

Plusieurs signes montrent qu'il en va de même pour les rouges. Entre autres l'intérêt croissant pour les vins de Pinot noir, de même que le retour en grâce des beaujolais, tous rarement très concentrés, et le concert de réprobation que soulèvent maintenant les vins trop alcoolisés, etc.

Bref, on assiste au retour du balancier.

Sept vins

Côtes du Rhône 2008 Guigal, 17,60 $ (290 296), **1/2, $$, 2010-2011 ?

Fort joli vin blanc, non boisé, dans lequel entrent pas moins de cinq cépages, mais surtout du Viognier (55 %). Assez peu aromatique malgré tout, m'a-t-il semblé, ses arômes sont d'une netteté exemplaire, et on retrouve en bouche la même netteté, la même qualité d'arômes. 13 % (384 caisses).

Médoc 2006 Château Lacombe Noaillac, 18,55 $ (10 752 732), ***, $$, 2010-2011.

Vin du Bordelais fait principalement de Merlot (45 %) et de Cabernet Sauvignon (45 %), et élevé en fûts, déjà assez évolué comme le montrent ses arômes de tabac, de cuir, etc. Tout au plus moyennement corsé, souple, les mêmes arômes sont au rendez-vous en bouche. Plaira surtout aux amateurs de vins d'un certain âge. 13 % (110 caisses).

Valle del Limari 2008 Syrah Reserva Tabali,19,45 $ (11 208 659), ***, $$, 2010-2016 ?

Vin rouge chilien, de Syrah, d'un rouge violacé quasi opaque, et dont le bouquet de fruits noirs, ample, passablement épicé-boisé, fait très moderne... sans être patapouf. La bouche suit, puissante, ou du moins pas loin de l'être, concentrée, compacte, avec des tannins serrés. Élevage en fûts de chêne français. 14,5 % (66 caisses).

Bordeaux Supérieur 2007 Château Pey La Tour, 21,90 $ (442 392), ***, $ $1/2, 2010-2012.

Bordeaux rouge toujours fiable, même dans des millésimes secondaires tels que 2007. D'une couleur assez soutenue, son bouquet, qui semble d'abord unidimensionnel, s'anime quand on agite le vin. De corps moyen, équilibré, peu boisé même s'il est élevé en fûts, dont 57 % de fûts neufs, ses tannins sont aimables. 13 % (457 caisses).

Bierzo 2006 Exaltos Dominio de Tares, 27,85 $ (10 858 203), ****, $$$, 2010-2016.

Vin rouge espagnol, de Mencia, et équilibré malgré ses 14 % d'alcool. Quasi opaque, son bouquet associe fruits rouges et fruits noirs, avec des notes épicées-boisées bien présentes, ce vin étant élevé en fûts de chêne neuf français (60 %) et américain (30 %), et puis 10 % d'Europe de l'Est. Dense, concentré, tannique sans dureté, il fait montre de plus de générosité que de finesse. Superbe dans son genre. 14 % (147 caisses).

Mercurey 1er cru Les Puillets 2008 Château Philippe-le-Hardi, 25,95 $ (869 800), ***, $$$, 2010-2012.

Voilà tout le contraire du vin patapouf... Bourgogne à la couleur rouge clair, son beau bouquet, de petits fruits rouges, bien typé Pinot noir, expressif, charme d'emblée. Tout au plus moyennement corsé, légèrement tannique, et élevé en fûts (mais le bois reste très discret), ses saveurs sont relevées par un peu de gaz carbonique, et il se présente, au plan gustatif, avec le même charme qu'au nez. Savoureux. 13 % d'alcool (84 caisses).