Je l'ai écrit, réécrit, et je le réécris encore (parfois, l'entêtement a des vertus pédagogiques) : nous payons le champagne beaucoup trop cher au Québec.

Je veux bien payer le vin, en général, un peu plus cher que sur les grands marchés privés des États-Unis parce que les profits de la SAQ financent nos services publics, comme la santé.Je veux bien, jusque dans une certaine mesure, payer les vins de consommation courante un peu plus chers ici qu'en Ontario si on paie moins pour les vins de prestige (ce qui est généralement le cas).

Mais la SAQ pousse un peu trop le bouchon en vendant les champagnes deux fois plus cher que sur les marchés de New York, de Boston ou de la Floride.

De Floride, je reviens justement et j'ai pu constater, encore une fois, que nous ne sommes pas tous nés égaux devant les divines bulles.

Quelques exemples

-Le toujours fiable champagne Piper-Heidsieck (étiquette rouge) : autour de 30 $ en Floride ; 59 $ ici (!).

-La grande Dame de Veuve-Clicquot, autour de 35 $ là-bas ; 67,25$ à la SAQ.

-Les Mumm (impérial, cordon rouge, extra-dry) : de 28 $ à 32 $ en Floride ; ici, 52,25 $ (! ! !) pour le cordon rouge.

-En Floride : 32 $ pour l'exceptionnel Perrier-Jouët (vendu dans une élégante boîte) : ici, au moins le double pour un champagne équivalent.

Inutile d'en rajouter, vous avez compris le topo. Je précise que les dollars canadien et américain sont pratiquement à parité ces temps-ci, ce qui fait que 30 $ «US» valent 30 $ CAN. Pour faire des comparaisons exactes, il faut toutefois ajouter la taxe floridienne de 6,5 % (elle est comprise dans les prix ici), ce qui signifie qu'une bouteille à 30 $ vous coûte 31,95 $.

Ces écarts sont astronomiques et franchement exagérés. Surtout que le dollar canadien a pris du mieux non seulement sur la devise américaine, mais également sur l'euro.

Lorsqu'on lit, ces jours-ci, que la SAQ devra verser davantage de profits au gouvernement cette année, on comprend que les oenophiles québécois ne profiteront pas de l'embellie du dollar canadien.

Si les détaillants privés des États-Unis, qui n'ont pas le pouvoir d'achat de la SAQ, font des profits en vendant le champagne à 30 $ ou 35 $, imaginez notre société d'État !

Cette politique de prix est contraire à l'esprit de démocratisation souvent pratiqué à la SAQ, parce qu'elle confine le champagne dans une niche caricaturale de produit de grand luxe inaccessible pour l'immense majorité des Québécois.

Elle permet par ailleurs à la SAQ de gonfler artificiellement le prix des méthodes champenoises de Californie. Entre un «vrai» champagne à 60 $ et un mousseux californien à 30 $ (surtout s'ils portent les noms champenois de Mumm, de Roederer ou de Chandon), le choix s'impose souvent en espèces sonnantes et trébuchantes.

Ce n'est toutefois qu'une illusion puisque ces mêmes méthodes champenoises sont vendues 10 $, 12 $ voire 15 $ moins cher sur les grands marchés américains.