Fidèle à ses habitudes, Laurent Dubreuil n’y était pas allé par quatre chemins pour résumer ses attentes au 1000 mètres lors de la Coupe du monde de Québec, une course qualificative en vue des Championnats du monde qui auront lieu à Calgary dans deux semaines.

« À la limite, si je ne me classe pas, je m’en fous », avait-il tranché jeudi. « Ce n’est pas un objectif pour moi. »

Le médaillé d’argent olympique sur la distance n’a pas réussi à être compétitif cette saison dans une épreuve qui a toujours été secondaire par rapport au 500 m, sa spécialité. La faute avant tout à une tendinite à un genou qui a stoppé sa préparation pendant deux mois l’été dernier.

Même Gregor Jelonek a eu droit à une réponse franche quand il a demandé à son protégé s’il était excité par cette première course la veille : « Pas vraiment ! » « Il est parti à rire, a précisé Dubreuil, mais je lui ai dit : “Inquiète-toi pas, je vais arriver sur la glace et donner ce que j’ai à donner.” Je suis quand même un professionnel ; je suis capable de me crinquer quand il le faut ! »

L’athlète de 31 ans venait de conclure le 1000 m en tête du groupe B, vendredi matin, en ouverture des trois jours de compétition au Centre de glaces Intact Assurance. « Battre trois Néerlandais dans le groupe B, c’est toujours très bon signe. Otterspeer a gagné une médaille en Coupe du monde cet automne. Il était dans le groupe B parce qu’il en a sauté quelques-uns, mais ce sont de bons patineurs. J’ai hâte de voir où ça va me situer par rapport au groupe A, mais c’est une très bonne course pour moi. »

Le favori local a parcouru les deux tours et demi en 1 min 8,93 s pour devancer Otterspeer (+ 0,03), le Polonais Piotr Michalski (+ 0,48) ainsi que les Néerlandais Kai Verbij (+ 0,50) et Joep Wennemars (+ 0,53).

Dubreuil estime avoir réalisé son meilleur 1000 m de l’année. Sans penser pouvoir prétendre à une médaille à Calgary, il se réjouit surtout d’avoir confirmé son statut d’aspirant au Mondial sprint, qui aura lieu à Inzell, en Allemagne, en mars. Cette compétition bisannuelle couronne les plus rapides à l’issue de deux 500 m et de deux 1000 m.

Au 500, je suis sur le podium presque à chaque course. Au 1000 m, il y a peut-être 10 gars qui vont me battre dans le groupe A – j’espère que ce sera moins –, mais c’est un cumulatif très respectable. J’ai maintenant des chances, et je considère que la mission est accomplie pour le 1000.

Laurent Dubreuil

Son vœu s’est réalisé en après-midi : seuls 8 des 20 partants ont fait mieux que son chrono dans le groupe A, dominé sans surprise par le prodige américain Jordan Stolz. Cela ne changeait rien au classement de Dubreuil, mais lui donnait néanmoins un bon élément de comparaison.

L’athlète de Lévis s’est montré particulièrement satisfait de son avant-dernière courbe, prise dans le couloir extérieur, à environ 300 m de l’arrivée.

Retarder la « casse »

« Je me suis senti fort comme l’an passé, comme aux Olympiques, en fait, comme dans mes bons 1000 mètres. Depuis le début de l’année, je sentais que je cassais à la cloche [annonçant l’ultime tour]. Là, c’est comme si j’avais un virage de plus avant de vraiment sentir que je ne poussais plus. Retarder la “casse”, c’est sur ça qu’on travaille, dans le fond. C’est comme ça que tu peux finir plus fort. »

Son chrono de 27,5 s sur la dernière boucle est source de satisfaction pour le Québécois, d’autant qu’il a fait jeu égal avec le jeune Wennemars, un spécialiste du 1500 m, et qu’il n’a pas pu bénéficier de l’aspiration du patineur avec qui il était jumelé, puisqu’il l’avait déjà distancé.

Laurent Dubreuil a donc brisé la glace de façon métaphorique à l’occasion de la première Coupe du monde de patinage de vitesse longue piste disputée dans la capitale nationale depuis 1992. Deuxième au classement cumulatif du 500 m, il tentera d’améliorer son sort lors des deux dernières courses de la saison, qui auront lieu samedi et dimanche.

S’il ne considère pas le 1000 m comme une véritable préparation physique – « Là, c’est une belle petite envie de vomir et un mal de jambes assez intense ! » –, il tire des enseignements positifs en vue de la suite du week-end.

« Mon accélération était très bonne. 16,2 s [à 200 m], c’est vraiment rapide pour moi au niveau de la mer. C’est excellent et c’est bon signe pour mon départ au 500 m. Puis juste me sentir à l’aise sur la glace. J’adore patiner ici, j’adore la glace à Québec. »

Même quand le cœur y est un peu moins.

Stolz échappe un record de Dubreuil…

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Jordan Stolz

En après-midi, Stolz a donc remporté l’or en 1 min 7,96 s, devançant respectivement le Japonais Tatsuya Shinhama (+ 0,38) et le Chinois Zhongyan Ning (+ 0,53). Une semaine après avoir réalisé un record mondial à Salt Lake City, l’athlète de 19 ans a réalisé un départ canon, échouant néanmoins à deux centièmes de la marque de piste appartenant à Dubreuil. « Je suis surpris ! a réagi ce dernier. Surtout après son départ de 16,12 secondes, je pensais qu’il le ferait facilement. »

« Je me suis comme éteint à la deuxième boucle, mais j’étais très surpris de mon premier tour », a réagi le jeune homme du Wisconsin. Il a évoqué son coude à coude avec Ning, son voisin de couloir qui a dû se relever dans l’avant-dernière ligne droite, ce qui lui a « coûté un petit extra d’énergie supplémentaire ».

« La glace me semblait un peu moins rapide qu’il y a quelques jours, mais 1 min 7 s au niveau de la mer, ça reste une course très rapide », a analysé Stolz, qui a conclu la saison deuxième derrière Ning, même s’il a remporté les quatre derniers 1000 m (il a raté une épreuve pour s’entraîner).

Stolz et Dubreuil se retrouveront samedi pour le premier 500 m, où les Japonais pourraient jouer les trouble-fêtes.

Miho Takagi gagne l’or au 1000 m

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Miso Takagi

Auteure d’un record de piste, Miho Takagi a gagné l’or au 1000 m féminin. En 1 min 14,19 s, soit presque deux secondes de mieux que la Canadienne Ivanie Blondin en 2022, la Japonaise a largement battu les Néerlandaises Femke Kok (+ 0,88) et Isabel Grevelt (+ 1,53).

Surclassée dans le groupe A à la dernière minute, Béatrice Lamarche (1 min 18,27 s) a dû se contenter du 20e et dernier chrono. La patineuse de Québec avait néanmoins le sourire fendu jusqu’aux oreilles après avoir ouvert le bal de la séance de l’après-midi.

« C’est une course à l’image de ma saison : je ne suis pas extrêmement satisfaite de la performance, mais très satisfaite de l’expérience et de l’ambiance qu’il y avait aujourd’hui, a résumé Lamarche, 12e aux Championnats du monde de 2021. Je ne peux pas demander plus. »

À la suite du retrait d'une coéquipière malade, Béatrice Lamarche s'alignera samedi au 500 m, où elle sera une encore une fois première paire du groupe B, « sans aucune attente ».