Trois Coupes du monde, deux en ski alpin et une en snowboard cross, ont été annulées ou déplacées à cause du manque de neige et des températures anormalement élevées depuis le début de la saison. La mauvaise nouvelle, c’est que la situation se détériorera. La bonne, c’est que les athlètes se mobilisent.

Selon une étude publiée en février par le Sport Ecology Group de l’Université de Loughborough, en Angleterre, seulement 10 des 21 villes hôtes des Jeux olympiques d’hiver depuis 1924 pourraient de nouveau accueillir les Jeux en 2050.

Les dégâts sont déjà effarants, notamment en Suisse, en Italie et en France, où les plus récentes annulations ont eu lieu.

« Ce n’est pas surprenant », estime Dominique Paquin, spécialiste en science du climat chez Ouranos, un consortium en climatologie régionale. Elle rappelle à juste titre combien les comités organisateurs des Jeux de Sotchi en 2014 et de Pékin en 2022 avaient eu de la difficulté à trouver de la neige.

La situation, quoiqu’un peu moins catastrophique, est similaire au Québec et au Canada.

Mme Paquin explique que le problème ne réside pas dans le manque de précipitations, mais plutôt dans le réchauffement climatique. Il fait plus chaud, donc il pleut au lieu de neiger, tout simplement.

D’après les études citées par Mme Paquin, d’ici une trentaine d’années, les stations de ski québécoises ouvriront leurs pistes de 7 à 10 jours plus tard. Ce qui pourrait compromettre les activités de la période des Fêtes, qui, rappelle-t-elle, « sont critiques pour la rentabilité ».

Elle ajoute que « comme l’hiver raccourcit, la saison ne se finira pas plus tard. La saison entière sera amputée. Tant à l’automne qu’au printemps ». Ainsi, près d’une vingtaine de jours seront éventuellement rayés du calendrier des skieurs et des planchistes. « C’est une tendance mondiale », souligne Mme Paquin.

Un problème d’accessibilité

Pour sa part, Jules Burnotte est un peu pris entre l’arbre et l’écorce. Le biathlète est conscient des changements et en est attristé, mais c’est un peu à contrecœur qu’il explique que les athlètes olympiques, comme lui, auront toujours accès à de la neige. En Coupe du monde, il y a presque toujours une solution. S’il manque de neige, des camions en transporteront ou la compétition sera déplacée.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE BIATHLON CANADA

Le biathlète Jules Burnotte

Le gentil géant de six pieds et cinq pouces est un citoyen impliqué qui tente par tous les moyens de changer les choses. Commandité par Communauto, il est aussi l’un des ambassadeurs en développement durable de l’Union internationale de biathlon (IBU).

Là où le bât blesse, croit-il, c’est que l’accessibilité du sport est réduite chaque hiver. Il repense avec nostalgie à l’époque où il avait moins à se soucier de ces enjeux qui font désormais partie de notre quotidien :

J’ai grandi avec de belles conditions de neige juste à côté de chez moi au mont Bellevue. J’ai skié dans les rues à Sherbrooke lors des jours de tempête. Là, il y a de moins en moins de jours de tempête de neige et plus de tempêtes de verglas. C’est moins tripant.

Jules Burnotte, biathlète

C’est pourquoi il est triste pour les enfants de 6 à 10 ans qui « apprennent à skier et qui ont juste moins de neige. […] C’est un sport qui sera donc moins accessible aux familles ».

L’athlète de 25 ans admet tout de même que les fédérations sportives comme l’IBU savent qu’elles ont un devoir de conscientisation, mais que « ce n’est pas facile à faire ». Il précise que l’IBU compile des données et semble faire le nécessaire. « C’est indéniable qu’il y a de moins en moins de neige. Ils s’en rendent compte et on partage tout ça. Il n’y a pas une fédération qui doit en faire plus. Il faudrait en faire plus de manière collaborative, comme un front commun avec des gestes structurants. »

À son avis, il est aussi primordial de relativiser les choses. Manquer de neige pour une compétition de biathlon n’est pas comparable, insiste-t-il, au fait que la santé et les conditions de vie des gens sont mises en péril par les changements climatiques qui provoquent des vagues de chaleur, des ouragans, des tempêtes et des inondations.

Emboîter le pas

Sa concitoyenne sherbrookoise Marion Thénault tient le même discours et partage les mêmes préoccupations.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La skieuse acrobatique Marion Thénault

Elle a donc pris une initiative unique pour y mettre un peu du sien. La médaillée olympique en ski acrobatique a décidé de se rendre aux prochains Jeux olympiques de 2026, en Italie, en étant carboneutre.

Elle s’est associée avec la firme de génie WSP pour compenser ses émissions de dioxyde de carbone. Ainsi, l’équipe en place et elle évalueront tous ses déplacements et toutes ses activités pour quantifier le CO2 émis. Ensuite, WSP remettra l’argent nécessaire à une entreprise pour que celle-ci puisse investir cette somme dans de nouvelles technologies à la hauteur des émissions de Thénault.

Avec une mère qui travaille en environnement, l’athlète de 22 ans trouve que la moyenne des ours est un peu trop fataliste face à la situation écologique. Éternelle optimiste, l’étudiante en génie aérospatial a choisi de passer à l’acte.

En ce moment, c’est tellement un problème grave et complexe que j’ai l’impression que ça décourage tout le monde d’agir. Alors je me suis demandé ce que je pouvais faire pour améliorer la situation et influencer d’autres personnes.

Marion Thénault, skieuse acrobatique

Avec son nouveau statut de médaillée olympique, Thénault sent qu’elle a le pouvoir de rejoindre plus de gens. Ce qui lui donne l’occasion de « faire des projets de plus grande ampleur ».

Chaque projet a une valeur. Aussi minime soit-il. Les deux Sherbrookois jugent que les athlètes ont une responsabilité de conscientisation, mais qu’il serait injustifié de croire qu’à eux seuls, ils peuvent sauver la planète. Il s’agit à leurs yeux d’un enjeu majeur qui doit forcer tout le monde à pousser dans la même direction.