Comment la paternité a changé le champion du monde de patinage de vitesse Laurent Dubreuil

En novembre 2018, Laurent Dubreuil était dans une Coupe du monde au Japon quand il a appris qu’il deviendrait père l’été suivant.

L’arrivée de Rose, espérée et attendue, tombait à point. Le cycle olympique commençait. Sa femme, Andréanne, venait de terminer son baccalauréat en enseignement. Et le Centre de glaces de Québec était en construction, annonçant une réduction marquée des voyages pour les patineurs québécois.

Après de premiers Jeux olympiques pénibles à PyeongChang, Dubreuil était disposé à mettre sa carrière de patineur au second plan au profit de son nouveau rôle de père.

« C’est l’année où le patin a été le plus secondaire dans ma vie. Celle où j’ai le moins dormi. Où j’ai pris le moins de temps pour faire mes exercices, mes étirements. Je pensais que mes résultats empireraient. »

PHOTO PETER DEJONG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Laurent Dubreuil en pleine course, aux Pays-Bas

De 10e mondial, il était prêt à passer 15e ou 20e. Il a pourtant remporté une médaille de bronze au 1000 mètres aux Championnats du monde par distance individuelle, sa première depuis 2015. Il a ajouté l’argent au Mondial sprint, un premier podium pour un Québécois depuis Gaétan Boucher.

L’hiver dernier, en pleine pandémie et au moment où la fermeture de l’anneau de Calgary l’a pratiquement empêché de toucher à la glace, il est devenu champion mondial du 500 mètres aux Pays-Bas. Il a ajouté le bronze au 1000 m.

En montant sur le podium après cette dernière course, il a montré trois doigts, pour que sa fille Rose, âgée de 2 ans, comprenne à quel rang il avait terminé.

Dire que la paternité a transformé Laurent Dubreuil l’athlète n’est pas exagéré. Il en a lui-même fait la constatation en répondant à une question anodine durant une entrevue avec La Presse, à la fin de septembre : « As-tu un préparateur mental ?» 

Non. En fait, le meilleur préparateur mental que je pouvais avoir, c’est d’avoir un enfant et la perspective que ça apporte. Après ça, honnêtement, ce n’est pas stressant, le sport de haut niveau. Ce n’est rien quand tu as quelque chose de plus important dans la vie. Ma propre personne ne passe plus en premier.

Laurent Dubreuil

Avant la naissance de sa fille, il avait déjà convenu avec sa femme que « le patin ne serait plus aussi central » dans sa vie.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @LAURENT_DUBREUIL

Laurent Dubreuil et sa fille Rose

« Une vie d’athlète, c’est une vie égoïste. On rentre à la maison après les entraînements et on s’effoire sur le divan. On reste là toute la journée. On se relève seulement s’il y a un deuxième entraînement. Ils ne font rien, les athlètes, dans une journée. C’est vraiment ça. Nous, ce n’est plus ça. »

Dubreuil parle de soirées « plus rock’n’roll » où il ne s’affale dans le divan qu’à 19 h 30 quand sa fille est au lit.

« Être parent, c’est un sacrifice à longueur de journée pour tes enfants. Ce n’est pas négatif. Tu ferais 50 choses qui perturbent ta journée pour avoir un seul sourire de ton enfant. Être parent, c’est une vie de sacrifices. Je le savais, mais tu ne sais pas à quel point c’est vrai tant que tu ne le vis pas. »

Autre changement venu avec la paternité : la mise en perspective de ses performances sur la patinoire. Athlète intense, Dubreuil ne pensait qu’à la course suivante quand il en terminait une. Rose a changé cela.

« Bonne course ou mauvaise course, bonne année ou mauvaise année, je veux que Rose ait de bonnes années, qu’elle se développe. Ça n’a pas diminué mon désir de gagner, ça m’a juste fait réaliser que ce désir n’était pas si important que ça. C’est juste du sport. À un moment donné, ta carrière va prendre fin et la vie va continuer. Ta vie de parent n’arrête jamais. Moi, ça m’a complètement libéré. Ça m’a déstressé. Maintenant, patiner, ça ne me stresse pas. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @LAURENT_DUBREUIL

Rose, la fille de Laurent Dubreuil

Dubreuil en veut pour preuve son attitude sur la ligne de départ des derniers Championnats du monde à Heerenveen, en février.

« J’étais juste content d’être là. J’avais du fun. J’ai patiné de façon vraiment agressive, mais vraiment légère. C’est niaiseux, c’est une image, mais elle est vraie. Depuis deux ans, je suis à mon plus lourd à vie, mais je ne me suis jamais senti aussi léger. Je suis comme libre. J’ai l’impression de voler sur la glace. »