Ce n'est pas d'une épaule compatissante qu'Erik Guay avait besoin après son super-G désastreux de mercredi. Se faire rappeler ses quatre vérités lui suffisait amplement. «Si tu veux gagner des courses, tu ne peux pas skier comme ça.»

Stefan Guay a beau avoir cinq ans de moins, il n'est pas du genre à mettre de gants blancs pour passer ses messages à son grand frère. Voilà exactement pourquoi Erik a incité Canada Alpin à l'embaucher comme entraîneur à temps plein, l'été dernier.

Après le départ de l'Autrichien Burkhard Schaffer, en 2006, Erik Guay n'a jamais vraiment retrouvé l'entraîneur qui parlait exactement son langage. Celui du ski, dans toute sa simplicité, comme le lui a enseigné son père Conrad, à Mont-Tremblant.

Issu de la même école, Stefan, 26 ans, est arrivé comme une bouffée d'air frais. «Il faut que ce soit simple», acquiesce le jeune homme au visage hâlé, rencontré hier après-midi après le premier entraînement de descente aux Mondiaux de Schladming.

«Quand on skie, on n'a pas le temps de penser à 10 choses à la fois. Il faut trouver une chose simple à dire... pour les 10 choses qu'il faut corriger.»

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Ancien champion mondial junior, Stefan Guay était promis à une brillante carrière jusqu'à ce qu'il se détruise un genou lors d'une descente d'entraînement à Val Gardena, en 2006. Sept opérations plus tard, les médecins lui ont dit qu'ils ne pouvaient plus rien pour lui. Résigné, il est parti étudier les affaires à l'Université de l'Utah, avec l'idée de revenir un jour dans le sport.

Jamais il n'aurait pensé que ce serait dans le secteur du coaching. Après quelques projets avec l'équipe canadienne de vitesse, où il a pris du plaisir, il a néanmoins accepté de se joindre au groupe pour de bon afin d'aider son frère.

«J'ai vu que ça l'a aidé beaucoup, qu'il aimait ça, raconte-t-il. C'est vraiment pour lui que je suis revenu. Et je vais le faire jusqu'à la fin de sa carrière.»

La ressemblance entre les deux frères est évidente. Même poids, même taille. Ce que l'aîné a dans ses cuisses puissantes, le cadet le lui reprend dans le coffre.

Comme skieur, Erik se démarque par sa finesse, son sens aigu de la glisse. Stefan confirme qu'il avait un style plus casse-cou. «Je poussais plus mes limites, mais ça n'allait pas toujours bien. C'est pour ça que je suis rendu coach, et non plus un athlète!»

Durant ses années en rééducation, Stefan a passé des heures et des heures à analyser des vidéos, à essayer de comprendre comment untel pouvait aller plus vite qu'un autre. Il a acquis une expertise, qu'Erik a tôt fait de remarquer.

«Quand tu essaies de trouver un dixième de seconde dans une petite partie, ce n'est pas toujours évident, explique Stefan. Mais il faut trouver. Des fois, je peux passer une demi-heure sur un petit clip de 12 secondes. Ça peut paraître niaiseux, mais ça peut faire la différence entre la quatrième et la première place.»

Stefan est à la disposition de tous les skieurs de vitesse, mais il a établi une relation privilégiée avec son aîné. «Je ne sais pas si c'est parce qu'on est frères, mais on voit les choses pareillement. Il y a comme une connexion. Il comprend tout ce que je lui dis, et il le met tout de suite en application.»

Erik lui attribue une large part de ses récents succès. Sa contribution est surtout technique, mais aussi psychologique. «Le ski, c'est tellement un sport de confiance ! «, souligne celui défendra demain son titre mondial en descente.

«Quand tu as ton frère avec toi, ça te met en confiance. Je sais qu'il est derrière moi à 100%. Il veut absolument que je produise et il travaille très fort pour que j'y arrive.»

Chaque matin, Stefan le suit à la trace lors des séances de ski libre. «Lui tourne et moi, je vais en ligne droite!», lance Stefan, dont le genou le fait encore souffrir. Au printemps, il subira d'ailleurs une huitième opération, qu'il espère définitive. «Ils vont me poser un genou en métal.»

Ce handicap ne l'a pas empêché de passer deux heures perché dans un arbre, afin de se donner le meilleur angle pour filmer une section de l'entraînement, hier. Les Canadiens échangent ensuite leurs données avec les Norvégiens et les Américains, ce qui leur permet de couvrir l'entièreté du parcours.

Après sa sieste et son entraînement à sec, Erik a eu droit à un résumé de 15 minutes que Stefan aura mis quelques heures à monter.

Modeste, Stefan insiste pour dire que son frère est le seul responsable de ses succès. «Jamais, depuis que je suis là, il a eu besoin de mon soutien moral. Les meilleurs skieurs au monde ne sont pas parfaits tous les jours. Ils connaissent tous de mauvaises journées. C'est ce que je lui ai dit (après le super-G).»

Si les bons résultats de son frère sont réjouissants, Stefan n'a pas le sentiment de vivre une carrière par procuration. «Aider les autres à gagner, c'est le feeling le plus proche que je puisse avoir de gagner moi-même.»