À deux, ils totalisent 227 départs en Coupe du monde. Jamais sur le podium, mais tout près à quelques reprises. Ils partagent un style jusqu'au-boutiste qui leur a fait visiter la table d'opération à quelques reprises. À mi-chemin d'une saison de petite misère, les skieurs québécois Jean-Philippe Roy et Julien Cousineau se retrouvent cette fin de semaine à la Coupe du monde d'Adelboden, en Suisse. Avec une perspective différente sur la suite de leur carrière.

Pendant que leurs consoeurs empilent les bons résultats*, les techniciens de l'équipe canadienne de ski alpin connaissent une saison de petite misère. Depuis la 17e place de Jean-Philippe Roy et la 22e de Dustin Cook au géant d'ouverture de Sölden, en octobre, c'est le néant complet. En six slaloms et slaloms géants, aucun point n'a été marqué. «C'est l'une des années les plus difficiles et frustrantes qu'on a connues», constate le vétéran Julien Cousineau.

Membre de l'équipe depuis 1998, Cousineau s'inclut dans le lot. De retour d'une blessure au genou gauche, le slalomeur de Lachute n'a pas atteint la deuxième manche à ses quatre départs cette saison. Ce fut particulièrement pénible à Zagreb, dimanche dernier, alors qu'il combattait les relents d'une infection aux poumons qu'il a ramenée d'un séjour au Québec durant les Fêtes. Après quelques jours de repos, il espère faire tourner la chance demain, à Adelboden, à l'endroit même où il a subi une rupture du ligament croisé antérieur.

«Ça fait un an aujourd'hui», a réalisé Cousineau au milieu de l'entrevue téléphonique, qui s'est déroulée plus tôt cette semaine. Il ne ressentait pas d'émotion particulière par rapport à cette blessure dont il ne conserve pas de séquelles physiques. Il préférait se concentrer sur les prochaines semaines, qui seront cruciales avec deux autres slaloms à Wengen et Kitzbühel. «J'ai besoin de trois bonnes courses d'ici la fin de janvier, calculait-il. Présentement, j'essaie juste de retrouver de l'énergie pour pouvoir faire ça.»

Le défi est amplifié par son numéro de dossard, qui oscille autour des 50 depuis son retour à la compétition.

Jean-Philippe Roy vit un peu la même chose. Depuis son résultat prometteur de Sölden, le géantiste de Gatineau n'a pas atteint la deuxième manche une seule fois. Son dossard tardif ne le rebute pas trop. «L'an passé, j'ai eu mon meilleur résultat avec le dossard 46, a-t-il souligné lorsque joint à l'entraînement en Suisse. Ça dépend des conditions, mais j'ai toujours bien fait en partant de loin, en étant négligé. J'espère que ce sera le cas encore à Adelboden.»

Roy ne se fait cependant pas d'illusions: «Le ski va correctement, mais pas assez pour être dans les 10 premiers, à moins de circonstances particulières. Disons assez pour être dans les 30 ou 20 premiers.»

Comment expliquer la débandade canadienne dans les épreuves techniques? «Je ne sais pas, répond Roy. Il y a des années où ça vient et tu ne sais pas ce qui est arrivé. À un moment donné, ça débloque. Si je savais la recette magique, ce serait le fun, toute l'équipe irait vite!»

***

À 33 ans, Roy sait qu'il est au crépuscule de sa carrière. À moins d'un revirement, cette saison sera sa dernière. « Je ne peux pas l'affirmer à 100 %, mais c'est pas mal sûr», dit-il.

Pourtant, le skieur originaire de Sainte-Flavie, dans le Bas-du-Fleuve, se sent plus en santé que jamais après avoir surmonté deux sérieuses blessures aux genoux. Psychologiquement, le rythme exigé pour figurer parmi les meilleurs est cependant plus ardu à maintenir. «Il y a beaucoup de risques dans notre sport, rappelle Roy. Tous les jours, à l'entraînement, il faut que tu t'engages pour aller vite. Ça commence à me manquer un peu.»

Il a révisé ses objectifs en conséquence: «J'aimerais finir ma dernière saison avec un top 10 ou un top 15. Ce serait super.»

Les Mondiaux de Schladming, le mois prochain? La décision appartient aux entraîneurs, répond Roy. Il aimerait y aller, mais ne s'en fait pas trop avec ça. «Au pire, je retournerai à la maison passer du bon temps avec ma famille!» lance le père de deux garçons de 5 et 2 ans. Ça change les perspectives.

***

Cousineau est lui aussi un nouveau papa. Son fils Benjamin est né le 6 novembre. Le slalomeur était à l'entraînement en Norvège. Il a assisté à la naissance par Skype... à l'image de son collègue Roy, cinq ans plus tôt. La petite famille sera réunie dans une semaine à Wengen.

À 31 ans, bientôt 32, Cousineau se voit skier encore plusieurs années. Même si la saison actuelle n'a rien de réjouissant. «Je me retrouve dans la situation dans laquelle j'étais il y a cinq ans, note-t-il. Ce n'est pas évident. D'autant que j'ai travaillé assez fort pour tout ce que j'avais. Je n'ai jamais rien eu de facile, jamais eu de cadeaux. Ç'a toujours été comme ça. J'imagine que ce le sera jusqu'à la fin de ma carrière!»

Il s'inspire du vétéran autrichien Mario Matt. L'ancien champion mondial n'allait nulle part avait de rebondir au cours des deux dernières années.

Cousineau veut forcer la main des dirigeants de l'équipe et recevoir une invitation pour les Mondiaux de Schladming, un endroit mythique pour le slalom. Le Québécois y a signé le meilleur résultat de sa carrière, une cinquième place en 2010, en route vers une qualification pour les Jeux de Vancouver.

«J'ai toujours bien répondu sous la pression, souligne-t-il. La seule façon de changer les choses est de faire de bons résultats. Il faut que je réussisse à oublier tout ce qui se passe autour de moi et me concentrer sur la prochaine manche. Je continue à me battre et à me donner à fond.»

* Les derniers en date: trois Canadiennes parmi les 10 premières au slalom de Zagreb, le 4 janvier, dont une troisième place pour l'Ontarienne Erin Mielzynski.

JEAN-PHILIPPE ROY

Âge: 33 ans

Spécialité: slalom géant

Départs en Coupe du monde: 137

Meilleur résultat: 5e (Alta Badia 2004)

Championnats du monde: 6 (7e à Äre en 2007)

Jeux olympiques: 2 (une blessure l'a empêché de participer aux Jeux de Vancouver)

JULIEN COUSINEAU

Âge: 31 ans (32 le 17 janvier)

Spécialité: slalom

Départs en Coupe du monde: 90

Meilleur résultat: 5e (deux fois: Schladming et Val-d'Isère 2010)

Championnats du monde: 3 (5e à Garmisch-Partenkirchen en 2011)

Jeux olympiques: 1 (8e à Vancouver en 2010)