Ce n'est pas un hasard si Marie-Michèle Gagnon a passé les trois quarts de l'entrevue à parler au «on». Pour la première fois, tous les membres de l'équipe féminine canadienne de ski alpin ont passé l'été à s'entraîner ensemble. Trois mois à pédaler, courir, s'échiner en gymnase dans la tranquille Canmore, en Alberta.

Il paraît que les effets ont été spectaculaires quand les filles sont arrivées sur la neige au mois d'août en Nouvelle-Zélande. «Ça a été vraiment bénéfique», a dit Gagnon, rencontrée le mois dernier en marge du gala de Ski Québec alpin.

«On a pris beaucoup de masse musculaire cet été. On est plus fortes physiquement et ça paraît sur nos skis.»

Hugues Ansermoz, entraîneur-chef de l'équipe féminine, acquiesce: «Marie-Michèle n'est pas si costaude. Dans les tests physiques, elle a obtenu des résultats énormes en force et en puissance. Sur skis, en arrivant en Nouvelle-Zélande, c'était flagrant: elle arrivait à se sortir de situations incroyables.»

Ça ne s'arrête pas là. L'entraînement estival a aussi été consacré à la préparation psychologique, un aspect jugé déficient par la direction de l'équipe à la fin de la dernière saison. Le travail de qualité à l'entraînement ne se répercutait pas en course.

Cette nouvelle approche s'est entre autres traduite par des séances collectives, où la douzaine de jeunes skieuses ont appris à mieux se connaître et à mieux se comprendre. «L'équipe canadienne, on est comme une famille, rappelle Gagnon. On voyage toujours ensemble, tandis que les équipes européennes retournent chez elles entre les compétitions.»

Si elle n'a pas été surprise d'être identifiée comme l'extravertie du groupe («Ça, c'était très clair...»), Gagnon juge avoir grandement bénéficié de ce travail psychologique, auquel elle croyait plus ou moins dans le passé.

L'athlète de 22 ans s'est découvert une nouvelle maturité, qui lui a permis de développer une collaboration plus efficace avec ses entraîneurs. Au bas de la pente, elle ose maintenant proposer ses propres analyses, qui sont généralement bien accueillies. «Je comprends le ski maintenant. Je comprends plus la nature du sport.»

Exit la vitesse

Gagnon a connu un excellent début de saison l'hiver dernier: quatre top 20 en huit départs, dont une cinquième place en géant à Saint-Moritz, son meilleur résultat à vie en Coupe du monde. Ça s'est gâté un peu par la suite avant cette septième place en slalom à Arber-Zwiesel.

L'athlète de Lac-Etchemin s'est présentée aux Mondiaux de Garmisch-Partenkirchen amoindrie. Sa participation au super-G (22e) et à la descente du combiné, sur un parcours exigeant physiquement, a entamé ses énergies pour le géant (23e) et le slalom (sortie de parcours), ses deux spécialités. Les entraîneurs l'ont regretté et ne s'y laisseront pas reprendre.

«Les grandes comme Maria Höfl-Riesch, Lindsey Vonn et Anja Paerson le font, mais il faut presque être surhumain pour performer toute la saison dans toutes les disciplines, souligne Ansermoz. C'est quand même très dur physiquement. Ça prend beaucoup d'expérience. Il faut savoir se gérer. Avec la fatigue, quand on est très jeune, on ne performe dans aucune discipline.»

Gagnon a donc rayé l'entraînement en vitesse pour se consacrer exclusivement aux épreuves techniques. En Coupe du monde, la triple championne nationale prendra le départ de tous les slaloms, les géants et les super-combinés, mais limitera ses sorties en super-G (Lake Louise, Val d'Isère) et passera son tour en descente.

Ce n'est que partie remise, se dit-elle en citant l'exemple de ses jeunes rivales Tessa Worley et Viktoria Rebensburg. Dominantes en géant, la Française et l'Allemande de 21 ans brillent aussi en vitesse. «C'est inspirant de voir qu'elles sont capables de le transposer dans une autre discipline.»

Gagnon atteindra bientôt le plateau des 50 départs en Coupe du monde. Au vu de ses résultats, il serait logique de croire que le podium est la prochaine étape. Elle ne veut pas y penser et «rester réaliste». Elle visera donc des «top 15 et des top 20» cette saison, une recette qui lui a valu du succès. «Si la médaille vient, elle vient. Et si ça ne vient pas cette année, ça viendra l'an prochain.»

Vingt-cinquième au géant d'ouverture de Sölden, le 22 octobre, Gagnon retournera dans le portillon pour le géant et le slalom d'Aspen, les 26 et 27 novembre.

FICHE

> Marie-Michèle Gagnon

> Âge: 22 ans

> Ville d'origine: Lac-Etchemin

> 45 départs en Coupe du monde, 20 fois dans le top 30

> Meilleurs résultats : 5e slalom géant de Saint-Moritz (2011), 7e slalom d'Arber-Zwiesel (2011), 12e supercombiné de Val-d'Isère (2011),

27e super-G de Lake Louise (2011)