Bernhard Russi raconte ce qu'il a vu au Massif. Ou plutôt ce qu'il n'a pas vu. L'expert suisse se demande si la déception ressentie à Québec n'est pas attribuable à un excès d'optimisme.

Ce n'est pas de gaieté de coeur que Bernhard Russi a dit non au projet d'une descente olympique au Massif. Il a marché, marché et marché sur le versant du mont à Liguori, sans trouver le terrain souhaité. Ni pour une descente olympique. Ni pour une descente de championnats du monde. Ni même pour une descente de Coupe du monde.

Trop de plat, pas assez d'inclinaison, voilà en gros ce que Bernhard Russi, président du comité alpin de la Fédération internationale de ski, a constaté lors de sa visite de reconnaissance au Massif en novembre dernier.

«C'est ça qui manque. Si je compare avec d'autres descentes de Coupe du monde, championnats du monde, Jeux olympiques, même celles qui n'étaient pas à un très haut niveau du point de vue des passages, au mont à Liguori, ces passages n'existent pas», a expliqué M. Russi lors d'une entrevue le week-end dernier en marge de la Coupe du monde de Kitzbühel, en Autriche. «C'est uniforme. Même en changeant toute la montagne, tu ne peux pas retrouver ça.»

La descente la «plus faible» sur le circuit de la Coupe du monde offre un terrain plus relevé que celui du mont à Liguori, la solution proposée par les dirigeants d'Équipe Québec, chargée par le gouvernement provincial d'évaluer la faisabilité d'une candidature olympique pour 2022. «Alors même si (la montagne du Massif) apportait la même chose - ce n'est pas le cas -, on aurait une solution mauvaise.»

Techniquement, le projet du mont à Liguori répondait aux critères minimaux exigés par la FIS, encore qu'il manquait 14 mètres pour atteindre un dénivelé de 800 m - ce qui aurait facilement pu être corrigé, aux dires de M. Russi.

L'expert suisse a insisté pour souligner les grandes qualités du Massif de Charlevoix, une montagne «fantastique» et une station «super moderne». «C'est du très, très beau ski, a souligné le champion olympique de 1972. C'est juste qu'il lui manque, pour une descente hommes, des passages qui font la descente olympique, qui font d'une descente normale une descente de haute compétition. Ces passages n'existent pas, c'est tout.»

Concepteur de parcours renommé depuis une trentaine d'années, M. Russi, 62 ans, comprend que son rapport ait engendré une vive déception. Gian Franco Kasper, président de la FIS, avait annoncé sa conclusion à Radio-Canada avant même que les dirigeants d'Équipe Québec en aient obtenu une copie traduite de l'allemand au français.

Jusque-là, l'optimisme régnait à Québec. «Peut-être qu'il y a eu une légère faute dans la préparation», a supputé M. Russi, qui avait déjà visité le Massif au milieu des années 90 dans le cadre de la candidature de Québec aux Jeux de 2002. «Il y a des gens qui ont peut-être été trop positifs sans vraiment être assez critiques. Dans le nouveau projet qu'ils ont présenté, j'ai entendu beaucoup de remarques: «Oui, mais avant que tu viennes, on nous a dit que c'est bien, que c'est beaucoup mieux que le reste». Voilà, c'est ça qui a un petit peu provoqué des espoirs. Je comprends tout à fait la région. Mais ça ne joue pas de rôle pour moi.»

M. Russi affirme qu'il aurait été plus facile pour lui de rendre une décision favorable, mais qu'il en allait de sa responsabilité envers la FIS de brosser un portait fidèle à la réalité. «Québec est une région, une ville, qui cherche à développer les sports pour la haute compétition. Ce n'est pas à moi de juger, mais j'ai entendu dire que (Québec) voulait de nouveau recevoir la Ligue nationale de hockey, etc. Tout est basé sur le très haut niveau. Alors on doit comprendre que si une montagne n'est pas assez bien, on doit accepter le fait qu'une descente masculine de haut niveau n'est pas possible.»

Dans ce cas, la présentation de la descente à Lake Placid ou dans l'Ouest canadien, comme le suggérait Walter Sieber, membre de la commission des programmes du CIO, est-elle une solution envisageable? «Je ne sais pas si c'est politiquement possible, mais pratiquement, c'est possible, a répondu M. Russi. Je ne sais pas si avec un concept pareil on aurait la chance de gagner les JO, ce n'est pas à moi de juger. Je ne veux pas juger politiquement. Et je n'ai pas seulement pensé aux Jeux olympiques quand j'ai regardé la descente. J'ai pensé d'abord à une grande descente masculine. Malheureusement, il y a trop de plat.»

Le rapport de M. Russi doit être rendu public en même temps que celui d'Équipe Québec, qui était attendu la semaine dernière. Refroidi par la réponse de la FIS au sujet de la descente, le maire de Québec, Régis Labeaume, a dit vouloir prendre tout son temps avant de décider si sa ville se lancerait ou non dans l'aventure olympique.