La descente de Kitzbühel, rendez-vous phare de la Coupe du monde samedi, pousse les skieurs pendant deux minutes intenses à la limite entre sport de vitesse et survie, comme l'illustre l'accident de l'Autrichien Hans Grugger à l'entraînement jeudi.

Même avec un coureur chevronné plongé dans le coma artificiel à l'hôpital d'Innsbruck, et sur le sort duquel les médecins restaient réservés vendredi, le spectacle aura lieu dans la station tyrolienne.

Car rien, hormis la météo, ne pourrait pousser les organisateurs à annuler une course octogénaire, qui draine chaque année plus de 50 000 spectateurs venus voir comment des humains peuvent descendre quasiment tout droit une vertigineuse montagne, avec des pointes de vitesse allant jusqu'à 140 km/h.

A ce petit jeu entaché de danger, plusieurs ont bien failli perdre la vie. Avant Grugger, le Suisse Daniel Albrecht avait déjà glacé le public en quittant la piste inerte dans une civière héliportée, lors de l'entraînement en 2009. Ces images d'horreur, les descendeurs doivent les mettre de côté pour ne pas se laisser déborder par la peur.

La Streif, ce «ruban» de quelque 3,3 km dont la déclivité atteint au maximum 85%, se découpe en portions dont les noms sonne comme une menace, tels la Mausefalle (la souricière), un impressionnant saut qui propulse les coureurs dans le vide après quelques secondes de course, et le Steilhang (la pente raide), un mur de glace.

«A Kitzbühel, on a un petit peu peur, et parfois très peur. Il n'y a pas beaucoup de descentes qui vous font cet effet», souligne le Norvégien Aksel Lund Svindal. «Elle est horrible, vous partez et les premières trente secondes sont un mélange entre tenter d'aller vite et tenter de survivre, c'est pourquoi l'atmosphère est si différente ici», estime le double vainqueur de la Coupe du monde 2007 et 2009.

«Pas le malin»

«Les moments qui précédent le départ sont toujours flippants. Dans la cabine de départ on ne fait pas le malin, raconte le Français Johan Clarey. Il y a toujours un silence de mort au portillon, c'est le seul endroit comme cela.»

«Il faut beaucoup de courage pour oser se lancer», selon le Suisse Patrice Morisod, entraîneur de l'équipe de France. Du temps où il dirigeait les Suisses, il se souvient de coureurs ayant préféré renoncer.

Les novices ont souvent le droit à la boutade des aînés: «Ne défais pas ton sac, on n'a pas envie de le refaire pour toi demain !"

«On aime bien regarder un coureur s'élancer, mais un ça suffit en général ! Parce que ce n'est pas forcément une sensation agréable de le voir s'envoler à la verticale sur le saut de la Mausefalle, sans pouvoir suivre l'atterissage derrière», souligne le Suisse Didier Cuche.

Triple vainqueur de la descente de Kitzbühel, Cuche a déjà inscrit son nom dans la légende, aux côtés des Jean-Claude Killy, Franz Klammer, Pirmin Zurbriggen ou Luc Alphand, dont les patronymes défilent sur les télécabines: «cette piste, il faut la respecter, savoir donner soi-même le ton, lui montrer qui est le chef, mais sans exagérer. La limite est très mince entre faire juste et partir à la faute.»

Même si la plupart des coureurs ont été affectés par l'accident de Grugger, le Croate Ivica Kostelic, le leader de la Coupe du monde, est l'un des très rares à pointer l'inertie de la Fédération internationale de ski (FIS): «La chute de Hans était horrible. Or ce saut va probablement rester comme il est, et, pour moi, c'est inconcevable.»