Après trois années de succès, la Coupe du monde de Lake Louise a été un long calvaire pour les skieurs canadiens. Cris de frustration, grimaces d'insatisfaction et moues interrogatives ont été leur lot tout le week-end dans l'aire d'arrivée.

Erik Guay n'a pas fait exception. Vingt-quatrième samedi en descente, il n'a pu faire mieux que la 16e place lors du super-G, hier. Brutal retour à la réalité pour le champion de la discipline, qui doit retourner à la planche à dessin sans trop savoir ce qui cloche.

«Je suis un peu déçu, mais je ne me sentais pas si mal non plus en descendant, a dit Guay. J'y ai mis un peu plus d'intensité et je me sentais solide sur mes skis. Je n'ai pas tout risqué et je n'ai pas fait de folies.»

La piste Men's Olympic a néanmoins représenté un véritable casse-tête pour le skieur de Mont-Tremblant. Glace bleue sur le tracé injecté de la descente, neige mordante à l'extérieur. Entre les deux, il n'a jamais su trouver sa zone de confort. «Il fallait être très agressif sur la glace et laisser aller les skis dans la neige, a expliqué Guay. C'était difficile de trouver l'équilibre entre les deux.»

Le Suisse Tobias Gruenenfelder y est parvenu avec brio pour décrocher sa toute première victoire en Coupe du monde au lendemain de son 33e anniversaire de naissance. «J'ai mis du temps et ça n'a pas été facile, a déclaré le vainqueur. Mais j'y ai cru et je savais que je l'avais en moi.»

Gruenenfelder a devancé de sept centièmes son compatriote Carlo Janka, 24 ans, gagnant du grand globe de cristal l'hiver dernier. L'Autrichien Romed Baumann, lui aussi âgé de 24 ans, a complété le podium, en terminant à 27 centièmes du gagnant.

Les Européens, menés par les Suisses et les Autrichiens, ont monopolisé les 10 premières places du super-G. Bode Miller a été le meilleur Nord-Américain avec le 12e rang. L'Américain avait fini huitième la veille en descente, unique brèche à la domination européenne à Lake Louise.

Quinzième, Manuel Osborne-Paradis a été le Canadien le plus rapide du super-G, suivi de Guay, 16e, et Robbie Dixon, 17e. Deux petits centièmes ont séparé le trio de skieurs locaux.

Ce tir groupé, combiné à la démonstration de force européenne, n'est peut-être pas uniquement attribuable au hasard.

Les Canadiens n'ont pas eu une préparation optimale pour ce début de la saison de vitesse. Jeudi dernier, l'entraîneur-chef Paul Kristofic a reconnu que ses hommes étaient «épuisés» après le long cycle ayant mené aux Jeux olympiques de Vancouver. Pour leur permettre de recharger les piles, l'habituel camp sur neige printanier a d'ailleurs été annulé.

À l'été, de mauvaises conditions de neige au Chili ont forcé l'équipe canadienne à se rabattre sur la Nouvelle-Zélande... où un mois de pluie et de brouillard les attendait. Les Américains ont connu le même genre de problèmes au Chili.

«Je ne veux pas avoir l'air de chercher des excuses, mais leur préparation n'a pas été optimale», a souligné Max Gartner, président de Canada Alpin.

Malgré tout, Erik Guay était davantage préoccupé par l'absence de période d'entraînement avec les skieurs d'autres nations. Il était compétitif face à ses coéquipiers, mais n'avait pas de références par rapport au reste du monde. Dans le passé, il avait l'habitude de s'entraîner avec le Norvégien Aksel Lund Svindal, deuxième de la descente samedi.

«Tu bats les autres gars, tu es content, tu penses que tu es en bonne position, mais en réalité, tu n'es pas là où tu devrais être face aux autres pays, a noté Guay. Il va probablement falloir se pencher là-dessus à l'avenir.»

Guay s'encourage en songeant à la dernière saison, où il a tiré les marrons du feu lors de la finale à Garmisch-Partenkirchen pour décrocher le globe du super-G. «Je ne pense pas qu'il faut paniquer ou déprimer non plus. La saison est longue. J'ai bien appris ça l'an dernier.»

Il s'est quand même promis une petite discussion avec papa Conrad, son premier coach et qui, pour une rare fois, a assisté sur place à la Coupe du monde de Lake Louise. «Il doit être à l'intérieur, quelque part, à analyser un peu la course à la télé. Il aura des petites affaires à me dire...»